Dark Waters
6.3
Dark Waters

Film de Mariano Baino (1993)

Dark Waters de Mariano Baino, à ne pas confondre avec Dark Water de Hideo Nakata sorti en 2002, est une de ces pépites du cinéma d’horreur, étrangement passée complètement inaperçue malgré ses qualités indéniables. Sorti en 1993, le film ne connait qu’une petite réputation chez les amateurs de films de genre. Que justice soit faite !

Dark Waters nous raconte l’histoire d’une jeune fille, hantée par des souvenirs d’enfance, qui désire élucider les mystères de son passé. Pour cela, elle se rend dans un couvent, auquel son défunt père accordait une somme annuelle, situé au beau milieu d’une île isolée du monde. Elle s’apercevra vite que les nonnes n’y prient pas vraiment Jesus-Christ et que quelque chose de monstrueux se trame derrière tout ceci…

Le film a le mérite de jouir d’une très grande beauté plastique. L’ambiance, très sombre et humide, y est gothique à souhait. Baino a su, avec brio, mélanger différentes influences dont l’expressionnisme allemand (autrefois représenté par le Cabinet du docteur Caligari de Robert Wiene, 1919, ou Nosferatu de Friedrich W. Murnau, 1922), et le giallo (genre italien, entre policier, épouvante et érotisme, mené par Dario Argento – Suspiria, 1977 – et Mario Bava – Six femmes pour l’assassin, 1964 – notamment). Cela nous donne des jeux d’acteur extravagants, et un climat surnaturel aux symboles visuels foisonnants et très marquants (une procession de croix enflammées, un banc de poissons morts échoués sur une plage…). Dark Waters a tout du cauchemar pénétrant dont l’horreur s’immisce doucement dans l’esprit, ce cauchemar proche du rêve envoûtant duquel on ne voudrait se réveiller que lorsqu’il est déjà trop tard.

Cette horreur, parlons-en ! Par son scénario lovecraftien, Dark Waters surprend. Le monstrueux marque l’acmé de l’ambiance surnaturelle, on monte crescendo en intensité, et nous voici face à une scène finale des plus exquises. Le rythme, jusqu’alors dosé avec parcimonie pour insuffler suffisamment de suspense, s’accélère subitement, et le scénario s’enfonce violemment dans les méandres les plus obscures du paranormal. L’horreur joue avec l’imagination du spectateur et prétend même la transcender pour figurer l’innommable, l’impensable. Sa représentation est d’ailleurs à peine visible (on s’attarde sur quelques plans de la gueule tout de même, mais on se contente d’abord de l’apercevoir à travers un trou), cachée derrière un mur, comme pour figurer une peur inconsciente qui jaillit brutalement. Les moyens mis en œuvre ne sont pas faramineux. Pas de traitement numérique, mais des effets spéciaux pourtant convaincants (malgré un superviseur ayant abandonné son job avant la fin du tournage). Cependant rien de vraiment extraordinaire sur le plan spectaculaire. On sent bien que tout est dans la mise en scène, dans le plan, ce qu’il montre et ce qu’il relègue au hors-champ. Le dosage est juste parfait pour être concluant. Le meurtre en début de film, avec une eau ruisselante qui devient du sang, témoigne de l’ingéniosité de la réalisation.

Cependant, Dark Waters ne fait pas tellement peur. Ce n’est pas un grand spectacle, une expérience à vivre pour y trouver son compte de sensations extrêmes. C’est un doux poème de l’horreur qui impose une ambiance unique, soutenue par une musique remarquable. On touche à la folie, à la sorcellerie et à un aspect du Christianisme qu’est la souffrance (on se souviendra à ce propos de la magnifique scène d’autoflagellation des nonnes dans les catacombes humides envahies de bougies). Ces nonnes, menées par une foi païenne, apportent une vraie aura mystique au film.

Dark Waters nous transporte dans un monde parallèle, nous fait vivre un cauchemar sublime aux formes délectables. Loin de la bêtise de quelques grosses productions actuelles de l’horreur, Dark Waters renouvelle le genre sous une forme intelligente et avec une mise en scène minutieuse. Que demander de mieux ?

(la critique sur mon blog, avec une mise en page sexy : http://alarecherchedufilmperdu.wordpress.com/2013/09/15/dark-waters-de-mariano-baino-1993/)

Créée

le 17 sept. 2013

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King-Jo

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