David Attenborough est, aux côtés de Carl Sagan, une des rares personnalités que j’adule pour ce qu’elles représentent. Un de ces hommes qui, par la dévotion d’une vie à une cause universelle, ont ouvert les portes de mondes secrets pour le commun des mortels, sensibilisant le public à des sujets qui devraient, dans un canevas humain cohérent, être sur le devant de la conscience collective.
Cette année, il a 99 ans. Comme il le déclarait en 2020 dans le fantastique A Life On Our Planet, les messages d’alerte qu’ils portent n’ont aucun bénéfice pour lui en tant qu’individu, mais sont bien là pour servir le futur de notre espèce, ses propres jours étant comptés. Et si ce précédent documentaire faisait l’amer constat d’une vie passée à observer le déclin de la biodiversité précipité par notre activité, il finissait tout de même sur une note d’espoir en amenant les différentes actions qu’il était facile de mettre en œuvre avant qu’il ne soit trop tard.
Cinq ans plus tard, Ocean ne nous offre pas ce réconfort. Après un rappel de la richesse de nos mers, avec des images qui au fil des années deviennent de plus en plus époustouflantes, vient la douche froide, car leur fragilité n’a jamais été aussi évidente. Des images inédites arrivent devant nos yeux, celles de la destruction du vivant à grande échelle et en une fraction de seconde par le ratissage indiscriminé des fonds marins par des chaluts. Les caméras, collées au filet, rendent compte de l’ampleur apocalyptique des dégâts. Si je connaissais le principe et l’étendue de cette pratique écocide, la voir en image fout tout de même un sacré coup.
Outre le témoignage d’Attenborough qui, en sept décennies d’activité, a vu en direct notre planète changer sous les coups répétés d’un capitalisme effréné, d’autres personnes viennent étayer ce compte rendu. Là un pêcheur Somalien qui voit sa principale source de nourriture épuisée par d’énormes usines flottantes chinoises, ici un marin britannique qui ne reconnaît plus les eaux qui entourent son archipel, vidées de leur population.
Ocean refuse le défaitisme, et tente de nous faire comprendre que la nature, lorsque laissée seule quelque temps, se régénère bien plus vite que ce nous avions anticipé et permet par ruissellement d’étendre les bénéfices des zones protégées vers le large. Mais cette nouvelle paraît bien dérisoire au vu de l’actualité et du climat politique où il est de bon ton de taxer de fanatiques religieux les écologistes. Les lobbies agroalimentaire qui viennent jusque dans les mers australes pour vider l’eau de son kryll à des fins de fermes poissonnières ou de croquettes pour chiens sont intouchables, les chaluts continuent de labourer les forêt sous-marines dans des zones protégées (avec aval législatif), et les pays les plus létaux pour notre poumon n’envisagent rien de concret dans le sens de la vie, si ce n’est des décisions d’apparat au doux nom de greenwashing.
Alors si on ne veut pas donner dans le pessimisme le plus sombre, il faut se résoudre à placer la force du changement dans les mains des citoyens qui eux seuls, dans un effort conscient et collectif, dans un vote de leur portefeuille, peuvent espérer enrayer la machine et stopper cette auto-destruction de l’humanité. Et pour que cette prise de position se fasse, des documentaires tels que celui-ci (qui devraient être diffusés dans les écoles), et des personnages tels que David Attenborough, sont nécessaires.