Tom est un jeune marchand de biens parisien qui opère à la limite de la légalité.Avec ses associés,il achète des immeubles délabrés à bas prix pour les revendre très cher à des promoteurs.Mais les locaux sont souvent occupés par des squatters ou des mauvais payeurs que Tom et ses potes n'hésitent pas à déloger de manière violente.Jacques Audiard réalise ici un remake de "Mélodie pour un tueur" de James Toback,sorti en 77.Il a pas eu des problèmes,Toback,récemment?Oui,il fait partie de ces petits canaillous bien burnés pris dans les filets des affaires de harcèlement post Weinstein.Mais Audiard,qui coscénarise ici avec l'auteur de polars Tonino Benacquista,propose une adaptation très libre du film original.On voit parfaitement ce qui a pu l'intéresser dans cette histoire,qui brasse des thématiques proches de celles qui sont habituellement les siennes.Un jeune type tourmenté,solitaire et introverti dont la vie,sous la pression de personnes ou d'évènements extérieurs,prend une nouvelle direction et une dimension supérieure.C'est le sujet de la plupart des oeuvres du cinéaste.Dès son premier long,"Regarde les hommes tomber" en 94,un paumé s'initiait à la criminalité sous la houlette d'un tueur à gages vieillissant.Dans "Un héros très discret" en 96,un planqué se faisait passer pour un héros de la Seconde Guerre Mondiale après avoir rencontré un vrai résistant.Rebelote en 2001 avec "Sur mes lèvres",qui voyait une secrétaire timorée se lancer dans le braquage suite à sa relation amoureuse avec un voyou.Et ça continuera en 2009 dans "Un prophète",où un délinquant de base accède au grand banditisme en devenant ami avec un caïd en prison.En 2015,c'est "Dheepan" et son réfugié tamoul qui se transforme en justicier de banlieue pour sauver la famille fictive qu'il s'est construit."De battre" s'inscrit donc dans une longue lignée homogène de films audiardesques.Tom est un magouilleur de l'immobilier qui,par hasard,renoue avec sa passion d'autrefois,le piano.Mais sa vie n'est pas simple et il est l'objet d'influences diverses,d'un double atavisme antagoniste principalement,car sa mère décédée était une grande pianiste concertiste,alors que son père officie comme lui dans l'immobilier douteux.A l'aide de scènes courtes filmées serré dans des décors exigus et crades,Audiard nous immerge profondément dans l'univers du héros,créant une atmosphère déprimante et anxiogène.Comme d'habitude,le personnage principal sert de vecteur à la description d'un monde délétère où les rapports humains,marqués par la trahison,l'imposture,la violence et l'appât du gain,sont faussés en permanence.Du cinéma hautement optimiste,mais chacun sait que le Jacquot n'est pas un comique, même s'il parvient à introduire dans son intrigue une bonne dose d'humour noir salvateur.La conclusion sera conforme à l'amertume générale,Audiard constatant qu'arrive un moment où il est trop tard pour redresser la barre et accomplir ses rêves,sauf à le faire par procuration,et qu'il est impossible d'échapper à sa nature profonde.Les comédiens,dirigés au cordeau,c'est son truc à Audiard,sont tous au top.Romain Duris,acteur souvent médiocre,incarne extraordinairement cet enfant perdu dans une époque décadente.Nerveux,toujours prêt à exploser,il sait aussi faire ressortir le côté charmeur et enfantin d'un personnage très complexe.Du beau monde autour de lui avec Niels Arestrup,qui sera quatre ans plus tard dans "Un prophète",et qui là impressionne encore en père manipulateur et toxique,les très solides Jonathan Zaccaï et Gilles Cohen,la merveilleuse Aure Atika,Emmanuelle Devos,qui était quatre ans avant la vedette de "Sur mes lèvres",plus une petite apparition de Mélanie Laurent,dont la plastique est impeccable.