Le meilleur film de Lawrence était un gros loukoum
C’est dans un contexte forain pendant les 30s récessionistes que se déroule le choc des titans entre Pattinson le vampire et Christopher Waltz, le nazi d’Inglorious. Enfin, c’est la rencontre improbable qui aurait pu être à l’œuvre, mais ce n’est pas le cas, puisqu’autour il y a une petite fille désabusée (Reese Witherspoon), de charmants animaux et quelques briscards alanguis ou femmes de joie transparentes.
Après avoir perdu ses parents, un jeune homme d’origine polonaise (Robert Pattinson) se retrouve seul à la rue, atterrissant bientôt dans un cirque quand il était promis à une carrière de vétérinaire. Genèse à la Titanic (et puis ça finira en catastrophe humaine et matérielle avant la lénifiante stabilité finale), ou un vieux monsieur raconte à un jeune l’expérience-clé de sa vie. Pour installer le récit, Francis Lawrence expédie la mise en forme, sans reculer devant les incohérences et les niaiseries typiques. Dès le départ, joli couplet hypocrite sur le plan idéologique, avec le vilain banquier à la morale capitaliste et conservatrice expliquant la nécessaire intransigeance en affaires au fils d’un immigré généreux avec le petit-peuple et optimiste (lui) malgré la Grande Dépression.
Pathos à foison et schémas ressassés au programme, avec Rozzy l’éléphante pour élément perturbateur (drôle de rencontre avec Roby ou elle se suggère en femme phallique). Mais il ne faut pas se mentir, le film est mignon, il génère probablement ce plaisir qu’on les enfants en balade au zoo, ou bien celui d’une âme un peu esseulée prête à larmoyer pour n’importe quelle tragédie romancée et bien trop surfaite pour réellement pénétrer (et donc, briser). De l’eau pour les éléphants est plutôt agréable, voir efficace par intermittences (quelques hausses de tension, courtes mais réussies), mais incapable de tenir la distance ; sur le fond, parce qu’il est trop manichéen, sentimentaliste et normatif ; sur la forme, parce qu’il est outrageusement prévisible (fragments de phrases caractéristiques et faciles à anticiper), régulièrement explicatif (celui qui n’a pas intégré « la prohibition » est sourd ou idiot) et bien trop collé à son cahier des charges du mélo hollywoodien à l’ancienne. D’où une discordance à l’occasion : August est hilarant dans ses élans auto-parodiques, alors que dans ces moments-là, le drame s’accélère et parfois mêmes, des vies se jouent.
August, alias Christopher Waltz, est justement l’atout évident de ce petit manège foncièrement insignifiant mais globalement attachant, pour les raisons mêmes qui font sa petitesse et sa candeur navrante. Voilà un méchant typé jusqu’à l’os (cynique, excentrique, contradictoire, colérique et surtout despotique – alors qu’on pourrait le présenter comme logique, original, haut-en-couleur et protecteur) ; quand tous les autres caractères sont limpides, univoques (le film est donc très disneyen) et notamment Robert Pattinson, personnage sensible, modéré et éclairé, doux et introverti. Pourtant les efforts déployés sont manifestes, mais August/Waltz restera le seul personnage un peu dense, quand le tricotage d’un amour contrarié par la réalité mais plus fort que le fatalisme et les méchants obstacles du monde laisse à désirer. Bref, le film est innocent, mais laborieux, sans intérêt ni ampleur, toutefois les animaux sont adorables, le couple de benêt transi est touchant malgré tout et un trublion relève un peu le niveau et apporte un contrepoids à la rafale de loukoum. Par ailleurs, ce troisième long-métrage de Francis Lawrence est bien plus regardable que ses blockbusters SF prétendument "arty" (Constantine) puis "conceptuel" (Je suis une Légende).