Alors que la tendance était à la dénonciation d'une filmographie Marvel trop calibrée, pour ne pas dire aseptisée, l'entrée en scène de l'irrévérence antihéroïque qu'est Deadpool s'apparentait à une bonne bouffée d'air frais : affichant moult promesses, tant en termes de protagonistes, liberté de ton et imagerie libérée, le premier film dédié au fameux mercenaire se targuait ainsi de redonner ses lettres de "noblesse" à une figure ambiguë comme populaire... sa précédente apparition cinématographique (sous le même giron de la 20th Century Fox : X-Men Origins: Wolverine) devant encore faire grincer quelques dents.


Dans une même veine, la reconduction de Ryan Reynolds dans le rôle-titre suscitait quelques interrogations, le bonhomme n'ayant guère plus de crédit aux yeux du grand public après l'expérience Green Lantern ; et dans une veine moins flagrante, l'arrivée aux commandes du méconnu Tim Miller (davantage connu pour ses travaux dans le domaine de l'animation) pouvait laisser craindre un simple faiseur de tâche au service d'un film de commande.


Au bout du compte, que celui-ci ait pu imprimer sa propre patte, et/ou que Marvel Entertainment ait d'emblée désiré respecter au mieux l'esprit de l'univers original, les faits sont là : outre un succès critique comme financier on ne peut plus probant, il s'avère que, oui, Deadpool fait figure de curiosité au sein d'une filmographie environnante plus consensuelle (pour généraliser). Mais s'il serait tentant de louer ce tableau jouissif foisonnant d'impertinences en tous genres, le recul met finalement en exergue des nuances à même de grisonner ce spectacle haut en couleurs.


Toutefois, gardons ceci à l'esprit : le résultat est (globalement) à la hauteur de nos attentes, le long-métrage s'accommodant aisément de son "atypique" cahier des charges. L'origin story de "Wade Wilson" est en ce sens une franche réussite, la narration non linéaire est bienvenue car source d'un excellent rythme (seul le dernier acte fait mine de s'essouffler) au service d'un scénario, sans atteindre des sommets, convaincant : cette histoire "d'amour" repose certes en grande partie sur la présence centrale son sujet éponyme, mais il convient d'en féliciter l'exquis enrobage, telle sa galerie de personnages secondaires efficiente et plus formellement de son imagerie (comme espéré) tonitruante.


Le film ne s'y trompe d'ailleurs pas : son quart d'heure d'ouverture, amorcé par un générique en disant long sur son contenu visuellement outrancier/délirant, enchaîne sans sourciller dialogues perchés, vannes en cascade et séquences d'action furieusement immersives. Sur ce dernier point, Deadpool est fort justement un superbe récital graphique (pourvu d'une certaine dose de créativité, quand bien même elle serait de mauvais goût), appuyé d'une BO alternant avec brio les tonalités selon la conjoncture du moment... et à ce titre, le long-métrage dote son principal sujet d'un développement pertinent, et dont les origines sont justement sources d'éléments d'intrigue l'émancipant (dans une certaine mesure) d'une étiquette (que l'on pouvais imaginer) "Bastonnade bête et méchante" prédominante.


Certes, la majorité des tendres attentions administrées par Deadpool se chiffre en litres d'hémoglobine et autres atteintes corporelles, mais il n'en demeure pas moins que sa love story n'est en rien superfétatoire tant elle alimente en grande partie le récit. Enfin, s'ajoutent au rayon des points positifs un humour faisant (sans surprise) mouche, la prestation dantesque de Ryan Reynolds (de quoi l'affranchir) et le respect certain donc aura fait preuve le film à l'égard de son modèle papier.


Néanmoins, il est temps d'énoncer quelques écueils, tel le grand antagoniste un peu terne, ou encore la relative légèreté de la quête esthétique de Deadpool... bien que l'on puisse se référer à la thématique de l'acceptation de soi, mais je m'égare. Pour en revenir à cette fameuse notion de respect, celle-ci attire toute mon attention : on touche au paradoxe car s'il s'agit de prime abord d'une promesse tenue, le fait est que le médium du cinéma étant différent de celui des comics, la conscience outrepassant les frontières de ce même médium de la part de Deadpool était à user avec précaution.


Alors oui, ses interactions (unilatérales) avec le public concourent à l'humour et l'originalité du film, mais celui-ci le fait avec tant d'application que l'on en vient à douter de l'honnêteté de la démarche ; Deadpool a beau être assurément irrévérencieux, il émerge donc une impression latente selon laquelle il ne parviendrait pas à s'assumer complètement, celui-ci pointant avec facétie, mais trop d'entrain, ses aspirations outrancières comme ses propres faiblesses.


Sur ce dernier point, on peut notamment citer la présence (très) réduite des X-Men, dont l'utilité peut être légitimement remise en doute tant ils paraissent faire office de "bouche-trous" du pauvre : on peut convenir qu'il n'est pas aisé de trouver un juste milieu entre la présente situation et une galerie d'X-Men telle qu'elle phagocyterait l'attention du spectateur, la raison d'être du long-métrage étant en l'espèce de traiter de la naissance de Deadpool... mais quitte à choisir, leur absence totale n'aurait pas été négative à mon sens (au contraire).


En somme, Deadpool est avant tout la victoire ( et revanche) d'un homme, Ryan Reynolds nous donnant suffisamment de matière afin d'oublier ses précédentes incursions chez Marvel et DC : si sa version de Green Lantern fut lynchée à l'image du film (injustement à mon sens), on lui pardonne surtout l'ersatz de Deadpool qu'était le mutant antagoniste de X-Men Origins: Wolverine. Pour le reste, il ne faut pas bouder son plaisir, Tim Miller nous prodiguant un divertissement survitaminé et, surtout, visuellement réjouissant comme drolatique à souhait. De bon augure pour la suite !

Créée

le 8 janv. 2017

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NiERONiMO

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