Ce film de deux heures n’a finalement pas été la purge des adaptations japonaises où toute notion de rythme avait disparu. C’est en premier lieu la rapidité, mais surtout l’efficacité narrative et rythmique du montage qui donne au film sa teneur et sa cohérence globale. Bien sûr, cette efficacité narrative ne va pas sans de grande réadaptation à l’histoire d’origine : suppression du second Death note, insertion du personnage de Mia dès le début du film, etc. Ainsi l’histoire est simplifiée tout en gardant l’essence de la série : la réflexion sur la justice, la religion et le combat éternelle entre le bien et le mal.
Lite est éprit de justice depuis le meurtre de sa mère, mais manque de confiance en lui. Sa peur ne sera repoussée que par la puissance du Death note. Bien que son comportement soit logique, sa rencontre avec le dieu de la mort porte le ridicule à son apothéose. S’il doit effectivement être apeuré par cette apparition monstrueuse, les cris suraigus et la gestuelle anarchique de Nat Wolff sont, au mieux comiques, au pire grotesques. De même, l’apparition de Ryuk qui entraine vent et destruction dans un déchainement d’effet spéciaux n’est pas digne de la retenue et de la classe de celle de la série beaucoup plus impressionnante, angoissante et efficace dans sa simplicité et sa rapidité. Heureusement, l’acteur, loin d’être irréprochable, apportera quand même plus de crédibilité au personnage par la suite.
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Mia, quant à elle, est une jeune lycéenne courageuse, n’hésitant pas à intervenir lorsqu’un élève se fait agresser. Ce personnage de pom-pom girl des plus clichés au premier abord – souvent la proie des mecs viriles, sportifs et libidineux dans les teens movies – se révèle ici être une psychopathe en puissance. Très loin de l’esthétique émo-gothique du personnage originale, la folie de Mia n’est pas amplifiée par un look particulier, mais par sa totale normalité. Le véritable chasseur prend ainsi la forme de la victime.
Incarnant presque un personnage, l’environnement tient un rôle bien particulier. L’univers froid et déshumanisé de ce monde sur le déclin est magnifiquement esthétisé. Les ruelles sombres teinté de point de lumière criarde, le couloir et les avenues où les êtres se croisent, se voient mais ne se regardent pas souligne la déconnexion d’une civilisation sur le déclin. Tel des divinités intemporelles, Mia et Lite posent leur regard sur ces « moutons » ralentis, en quête de sens et d’espoir dans leur existence morne où la mort semble déjà avoir pris l’ascendant sur la vie.
L’ambiance de ce monde mécanique est parfaitement soulignée par une bande son électro planante et entrainante. Son utilisation accentuera en particulier la montée en puissance de Kira Lors de la scène finale, cependant, l’émotion est entièrement brisée par « I Don't Wanna Live Without Your Love » de Chicago. L’utilisation de la « pop » détruit plusieurs fois l’immersion tout en tournant rendant grotesque l’action. Le marketing semble ici avoir primé sur l’esthétique.
En voulant sortir la population de la peur omniprésente, les deux protagonistes vont développer un véritable culte autour de l’effigie de Kira, qui naît de leur accouplement. Les anciens dogmes vont s’effondrer face à la toute-puissance du Dieu vengeur. L, représentant de la justice mise à mal, va se retrouver à lutter contre un fléau difficile à appréhender. Cependant l’interprétation de Keith Stanfield, très souvent juste se perdra dans l’anarchie émotionnelle dû au scénario, laissant le souvenir d’un personnage trop contradictoire.
Bien au-delà de la simple adaptation, Death Note est une réadaptation ancrée dans une réalité actuelle. Choqué et angoissé par les multiples attentats, le monde occidental est en quête de sens et d’espoir. En plus du décompte écologique et de l’oppression des peuples, les facteurs de naissance aux idées de révoltes et d’insoumission qui se propagent comme une trainé de poudre, sont nombreux. Heureusement très loin du film patriote revanchard, Death Note évite les écueils du manichéisme et de la propagande. Dans cette société en déclin, la justice laisse place à la vengeance et l’esprit critique cède face à la croyance. Sur d’anciens dogmes un nouveau surgit pour répondre au besoin d’une population en détresse. Bien au-delà de la simple adaptation, Death Note est une réadaptation, maladroite certes, mais proposant une vision et une critique de nos sociétés actuelles.
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