Critique originale sur Le Mag du Ciné.


Après Ulysse et Mona, Sebastien Betbeder s'aventure dans les Alpes avec un jeune casting prometteur pour son sixième long métrage. Debout sur la montagne s'inscrit dans la parfaite lignée de l'oeuvre de son auteur, qui illustre cette jolie et douce vague d'absurde à la française comme l'avait fait Perdrix dernièrement.


Les couleurs de l'automne vont bien au teint de ce trio infernal, un peu perdu et très désorienté ayant comme seul repère le passé, les souvenirs et les liens qui les unissent. William Lebghil, Izïa Higelin et Bastien Bouillon forment un groupe d'amis et d'anti-héros aux failles aussi évidentes que la tendresse qui les réunit. C'est d'ailleurs grâce à ces jolis sentiments qui les maintiennent les uns avec les autres que l'on s'attache très rapidement à leurs personnages, pour chacun blessé ou abîmé par la vie, par ce qu'elle leur a offert ou par ce qu'ils en ont fait. Izïa Higelin, soleil de ce trio perdu, se place très vite en leader charismatique de cette bande de potes, et va permettre à chacun de se révéler un peu et de se rendre encore plus spécial qu'ils ne le sont déjà. Mais William Lebghil surprend aussi dans un registre plus dramatique qu'à son habitude où tout semble plus maîtrisé, mesuré et lui va divinement bien.


C'est cette singularité qui peut être passionnante dans le film, ce ton particulier, cette ambiance planante, cet ensemble d'éléments attachants, sensibles qui rend les personnages d'une humanité prenante et permet au spectateur de ressentir énormément d'empathie et presque l'envie de rejoindre ce groupe et d'en faire partie. Comme les précédents films du réalisateur, ou les œuvres qui s'en rapprochent, le temps peut sembler long lorsque l'on n'adhère pas complètement au format mais la manière avec laquelle le cinéaste capte les solitudes de notre époque et les âmes en peine demeure d'une émotion terrible jusqu'au final encore plus accrochant. Comment survivre dans ce chaos ? Debout sur la montagne déborde de pureté dans son intention.


Betbeder a également la capacité de faire quelque chose avec rien. Des silences, des non dits, des regards fuyants et souvent un calme plat un peu angoissant, il en fait une oeuvre assez intime et intelligente qui parle justement de tout cela, de l'incommunicabilité, des amitiés retrouvées qui peuvent nous bouleverser et marquer nos vies à jamais, de l'imaginaire qui déborde et ne trouve pas toujours répondant. C'est sans doute ce que le cinéaste expérimente à chacun de ses films pourtant intéressants surtout dans les portes qu'il ouvre, les questions qu'il provoque à chaque silence lorsque l'on se demande pourquoi il ne se passe rien, pourquoi le film ne dit rien. La force du film est dans ce qu'il ne dit pas mais qu'il offre à travers le visage de ces trois acteurs, sur qui la caméra s'arrête à tour de rôle. Debout sur la montagne a la force de la mélancolie qui fait varier les émotions et mêle les sentiments comme le film détourne les siens, et s'amuse des genres. De l'étrange au fantastique, le film se transforme tantôt en comédie et parfois en tragédie, les comédiens errent au milieu de ces tumultes déstabilisants et font de ce long métrage un bon et riche moment de cinéma.

gwennaelle_m
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le 2 nov. 2019

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