Il y a, même chez les plus dociles d'entre nous, un bulldozer.

Jean-Marc Vallée quitte le style tape a l'oeil de C.R.A.Z.Y pour une réalisation au style plus sobre, même si le thème est finalement similaire. Il parle ici de l'envie présente dans une certaine mesure chez tout le monde, celle de tout péter. C'est très Freudien, en somme. C'est le Ça qui reprend le dessus. On pourrait croire à tort que le film ne fait qu'enchainer des scènes tirées par les cheveux, avec un personnage cool et stylé et rebelle, un stéréotype, un film comme on en voit beaucoup somme toute. Ce serait là la voie facile, puisque c'est l'idéal de chaque spectateur de moins de 30 ans (je peux pas dire pour plus vieux je connais pas). D'ailleurs on imaginerait bien Jake Gyllenhaal jouer un type comme ça, il a toutes les caractéristiques du pseudo antihéros apathique et stylé.

Non, c'est ici un vrai film, qui divise en trois phases la réaction de l'être humain lorsqu'un grand choc émotionnel le ou la traverse. C'est pour ça que ce film parle à nous tous, ce qui le distingue du film what-the-fuck avec un mec qui est cool dedans, truc typique décrit plus haut.

La première phase: l'apathie, la nonchalance. Jake s'en fout de tout, même de la mort de sa femme, ou enfin c'est ce qu'il croit. Pourquoi? Parce que le choc est trop grand pour être mesuré, ou bien parce que la seule manière de ne pas sombrer dans la douleur c'est de choisir de s'en foutre absolument de tout.

Et c'est la que s'opère le déclic. Tout cet instinct animal et sauvageon qui se transforme en boule explosive. La manifestation de cette boule peut être différente chez tout le monde mais elle ne nait que d'une volonté: hé oué, on a tous envie de tout péter, de devenir fou. C'est pas débile, parce que l'envie de tout péter, qu'est-ce que ça traduit. Un instinct de libération, de la douleur et des contraintes liées à la mortalité. Une volonté de se dire qu'on a le pouvoir de respecter ou non les codes sociaux, qui condamnent la destruction et la violence. C'est une crise de la quarantaine venue avant l'heure, du fait d'un traumatisme. Il se rend compte de la mort avant son heure, c'est le deuil. En plus c'est sa faute. C'est pour çela que, dans une démarche similaire, Lafcadio commet l'acte le plus horrible dans Les Caves Du Vatican, le meurtre gratuit, afin de se prouver à soi-même qu'il est libéré de toute contrainte. Gyllenhaal, lui pète tout pour se prouver qu'il est libéré des normes et surtout de sa douleur, quand bien même ce n'est évidemment qu'une échappatoire afin d'éviter cette douleur.

Enfin la troisième phase, celle de l'acceptation du choc, qu'il utilise pour se renouveler. C'est pour ca que ce film parle en profondeur, je crois, du deuil, qui remettra en cause toute l'existence du mec et toutes ses habitudes. Bon après ce film n'est pas exempt de défauts et de facilités. Cette scène de radio du coeur par exemple, juste inutile. Mais comme on a tous envie de tout péter, et bien moi je l'aime bien.

Gandoulfe
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le 8 sept. 2023

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