Bon bah je préviens, je tiens à mettre de côté tout affectif pour ce film et à rester particulièrement objectif pour cet avis. J'en suis capable.



Un dingue pour en arrêter un autre.



Y a eu le logo Warner, puis un Los Angeles apocalyptique en flammes. Y a eu Stallone qui est apparu à l'arrière d'un hélicoptère de combat, qui a murmuré en même temps que moi "Un dingue pour en arrêter un autre" avant de se jeter dans le vide accroché à un câble et d'atterrir sur un immeuble en ruines. Y a eu Wesley Snipes déguisé en échiquier qui s'est allumé une clope avec un chalumeau au dessus d'une mare d'essence et puis il a dit "Il fait froid... ou ça vient d'moi ?". Et je l'ai dit en même temps que lui. C'était réglé comme du papier à musique, c'était mélodique, évident, en cadence, comme un poème studieusement appris. J'me suis souvenu que ce film était un chef-d'oeuvre.




  • Que diriez-vous si je vous disais que vous êtes une brute fossilisée, symbole d'une ère décadente, heureusement disparue ?

  • Je sais pas !... "merci" ?



Avant d’essayer d’vous faire croire que Demolition Man est un film subtile, je vais faire état des réjouissances primitives auxquelles il s’adonne allègrement avec une emphase et un savoir faire qui rendrait nostalgique même le plus fervent admirateur de Vin Diesel. L’idée du film est déjà en soi merveilleuse : Deux brutes de l'apocalypse sont mises en conserves et ressorties 36 ans plus tard dans un monde où le crime et les jurons ont été totalement abolis. Deux taureaux d’arène lâchés dans un monde de légumes. Deux tyrannosaures pyrotechniciens dans une expo de flûtes en cristal. On flaire déjà la perle à des kilomètres non ?



Merci beaucoup, tronche de merde, casse couilles, putain d'saloperie d'enculée d'machine à la mord moi l'noeud.



Et cette idée tient tout du long sur un tandem qu’on pourrait qualifier de… comment dire, parfaitement orgasmique. Il y a Stallone, fidèle à lui-même, c’est à dire parfait, le verbe agile et l’activité physique d’un bulldozer caféiné. Le bon Sylvestre semble d’emblée parfaitement disposé à prendre part à cette apparente farce futuriste dégénérée, les poings nerveux, l’œil presque vif, les lèvres échouées sur un visage composant une irrésistible déconvenue face à un monde lissé, poli, aseptisé. Le décalage est délicieux, idéal. Un jour bête de guerre beuglant au milieu de débris incandescents, le lendemain couturier tricotant sur un jingle de Géant vert. En face, il y a Snipes. C’est le méchant et il a l’air au courant. Dès son apparition dans son palais décrépi, fringué en carte à jouer et gesticulant comme un pantin, il se révèle comme l’un des plus onctueux salopards du genre. Parce qu’un méchant c’est important voyez-vous. Une figure du mal, taillée dans un bloc de vice et d’irrévérence, un génie de l’horreur qu’on pourra adorer, c’est pas tous les jours qu’on peut admirer un vrai connard. Et il se trouve qu’à l’inverse de beaucoup de ses congénères, Demolition Man n’oublie pas ça, et le vrai connard, il nous le sert. Un Wesley somptueux, de ceux qui savent ériger l’excès en art, composant l’antagoniste parfait, un clown tueur sans une once de morale, babillant, fredonnant et massacrant à tout va, c’est une sorte de Joker en plus drôle, plus fou et bien plus charismatique, surtout face à ce dévouement forcené dont Stallone fait constamment preuve pour ses personnages. Un duo qui rend tout ça particulièrement communicatif et euphorique et fait qu’au royaume du film d’action, Demolition Man prend les atours d’une pièce d’orfèvre.



Attends voir... On est dans l'futur ! Où sont les megaphasers ?



Alors ça peut paraître con comme ça, ça s'appelle Demolition Man, ça génère 5 répliques cultes à la minute, ça tient sur l’opposition de ces deux bourrins sculpturaux que sont Stallone et Snipes, les dialogues ont la délicatesse d’un pachyderme, y a des yeux arrachés, des têtes explosées, des renégats peuplant les égouts qui s'habillent chez Ken-le-survivant-prêt-à-porter, mais disons le tout d'suite, c'est une relecture tout à fait valable du Meilleur des mondes d'Aldous Huxley (les plus érudits auront capté la référence du personnage de Sandra Bullock nommé Lénina Huxley, Huxley pour Aldous, Lénina pour le personnage principal du fameux bouquin). C’est un cœur de finesse dans une forteresse blindée et c’est pas loin de démontrer une vraie subtilité dans sa façon d’offrir un univers sans aspérité, chromé, désinfecté jusque dans les échanges verbaux. Un peuple où tous se suivent mécaniquement par troupeaux, réagissent à des stimulis calculés, tous dociles, artificiellement générés, policés et manœuvrés. Il y a mine de rien un vrai message, pas des plus novateurs certes, mais qui fonctionne et s’illustre à merveille, laissant un arrière-goût saisissant derrière ce modèle de film d’action jubilatoire.




  • Raté blondinet !

  • Spartan ? John Spartan ?? Oh ils laissent rentrer n'importe qui dans ce siècle !



Oui, bon, parce-que fichtre c’est un modèle dans le genre. Tout y est superbement mis en scène, le futur est crédible et vraiment bien amené, le réalisateur balançant un montage dynamique et inspiré, dopé aux gros plans et aux cadres de traviole, transformant parfois les étranges personnages de ce futur glaçant en marionnettes de cauchemar fiévreux et délicieusement grotesque. Les scènes d’action demeurent exceptionnelles, Stallone y est parfaitement à l’aise, il connaît son boulot, alors que Snipes a l’avantage de savoir donner des baffes avec esthétisme, ce qui offre à l'ensemble des empoignades plus qu’explosives, variées, parfois loufoques et qui ne sauraient perdre en rien de leur saveur avec le temps, bien au contraire. Et vraiment, mais vraiment, c'est le bonheur que de détester ce royaume de taffetas qui nous les brise avec son respect, son entente cordiale et sa douceur et de contempler ces deux bœufs débarquer dedans avec leurs gros poings et leur vocabulaire poétique.




  • Soyez heureux !

  • Soyez enculé.


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le 13 août 2017

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zombiraptor

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