Un seul en scène non-categorisable et enchanteur

"Je sais que vous êtes là. Je sens votre présence. Je sais que vous avez peur. Vous avez peur de nous. Vous avez peur du changement. Je ne connais pas l'avenir. Je ne suis pas venu vous dire comme tout ça finira. Je suis venu vous dire comment ça va commencer."

Les soeurs Wachowski - Matrix - 1999

Depuis que je suis inscrit sur senscritique j'ai appris deux choses :

La première, qui vient des analyses rhétoriques de Clément Viktorovich, c'est qu'être trop positif et enthousiaste à propos d'une oeuvre peut amener un sentiment inverse, un sentiment de rejet auprès des personnes.

La deuxième c'est que: l'instant, les conditions, l'humeur, ce que l'on sait ou pas d'une oeuvre avant de la découvrir fait la moitié du ressenti que l'on a de celle-ci.

Je suis le premier à écrire une critique sur ce "film", j'espère le mettre au mieux en lumière, qu'elle sera représentative de ce que j'ai ressenti.

Et oui j'ai mis la note maximale.

Je mets "film" entre guillemets car c'est avant tout un spectacle filmé. Le spectacle de Derek Delgaudio à New-York, qu'il a présenté entre 2016 et 2018. Et ce spectacle est surtout une histoire. Voilà la mienne par rapport à ce film :

Elle commence dans une grande surface culturelle, je tombe sur un hors-série du magazine Première à propos de 100 trésors caché de Disney. J'en avais entendu parler sur les réseaux, ça finit dans mon panier.

Les jours passent, je le feuillette. Je commence machinalement par le début, les premières années : des courts-métrages d'animation, obscurs, parfois cachés dans les tréfonds de Disney + ( comme beaucoup des autres oeuvres citées dans le magazine j'imagine). Mais je ne suis pas, sur le moment, attiré ni curieux par ce genre de vieilleries. Je saute plutôt dans le futur pour découvrir ce qu'il y a de plus récent et suis particulièrement attiré par 3 pages sur trois oeuvres tout à fait opposé.

La première est un film catastrophe à grand spectacle ( Finest hours )

"pourquoi pas, à voir...".

La deuxième est un film d'horreur ( The empty man )

"très peu pour moi...".

Et la troisième est...

C'est....

Qu'est ce que c'est ?!...

La page, un article de Guillaume Bonnet, est écrite de façon cliniquement étrange, comme quand on parle d'une oeuvre que l'on veut vraiment que des gens lointains et inconnus découvrent mais sans vraiment en parler. Le genre d'oeuvre sur laquelle on veut garder un mystère mais que l'on veut conseiller en boucle autour de soi et que l'on conseillera encore et encore jusqu'à gavé de superlatif les oreilles alentours.

Le papier est nébuleux. Ni le rédacteur, ni l'oeuvre elle-même ne semble pouvoir qualifier ce spectacle. L'en-tête décrit le film ainsi :

"Magicien, showman, conteur hors pair, Derek Delgaudio raconte sa vie dans un spectacle qui se transforme en expérience collective hallucinante. Un choc émotionnel et esthétique."

C'est ce qu'il y aura de plus claire et défini dans l'article, et dans ma critique.

Une fois arrivé au point final de la page je sais qu'il faut que je voie ce film. Je ne savais pas ce que j'allais voir, me pencher sur une bande annonce me semblait impensable, mais les mots de Guillaume Bonnet m'ont parfaitement trouvé et j'ai su que c'était le moment pour moi de voir ce film.

À quelques jours d'intervalles j'avais acheté un magazine, puis sauté 90% de celui-ci pour tomber par hasard sur un texte nébuleux, puis cherché le film sur le net ( il est sur Disney + ), pour enfin me retrouver seul face à l'écran. Seul face à une personne seule qui me raconte une histoire.

Dès les quelques phrases du prologue je sais que je suis au bon endroit, je suis là où je devrais être.

Ce ne sont pas les mots que j'ai besoin d'entendre, pas particulièrement les mots que j'ai envie d'entendre mais ce sont les mots justes pour se frayer en moi et y trouver un écho, une résonance.

Le spectacle parle d'identité sociale, de la façon dont on se voit et dont on aimerait être vu. Le spectacle parle d'histoires. Le spectacle EST une histoire sur les histoires, sur la façon dont des phrases et des mots peuvent changer quelque chose d'anodin en quelque chose de spécial.

Le spectacle à un ton, un rythme, une musicalité mystérieuse sur lesquels ma vie se cale et s'accorde pendant une heure et demie.

Le spectacle me parle. Il a les mots, le ton et les thèmes de ceux qui bougent la mécanique en moi. J'ai la conviction profonde qu'une fois le rideau tombé, l'écran devenu noir et le lecteur fermé je serais un peu différent.

Le spectacle est aussi un test d'empathie ( il a aspiré plusieurs de mes larmes) : si voir quelqu'un sur scène pleurer, sans réellement savoir pourquoi, mais sentir, deviner, partager et comprendre son émotion vous fait sentir aussi une émotion, c'est ce qu'il se passera dans ce spectacle ( la définition même de l'empathie ).

Si vous avez envie d'un peu d'introspection personnelle...

Mon erreur aura été de regarder ce spectacle pendant le déjeuner, devant mon assiette. Mettre pause pour aller chercher un dessert. Mettre pause pour aller chercher des mouchoirs.

Finalement je crois que ce que j'ai de mieux à faire c'est de vous dire ceci, et je vais faire de la publicité à disney que je n'aurais pas penser faire ainsi :

Vous n'avez pas Disney + ? Prenez un mois d'abonnement comme on prend une place de spectacle.

Un jour dites-vous : Ce soir je regarde "Derek Delgaudio tel qu'en lui-même". Prenez le temps de manger puis installez vous tranquillement, mettez vous dans l'ambiance : sur un écran correct, une lumière de fond pas trop agressive, possiblement seul ou non.

Comme il est conseillé au début: mettez votre téléphone en mode avion, mettez de côté toutes autres distractions.

Prenez le temps, prenez l'espace et la réflexion et laissez vous porter par 1h30 d'histoires.

...

En fait si vous êtes arrivés au bout de cette critique c'est qu'elle n'est que le début de quelque chose et qu'il est peut-être temps pour vous d'écouter le récit de Derek Delgaudio.

Si vous êtes venus au bout de mon histoire, c'est que cette histoire est maintenant la vôtre.

Je vous laisse donc l'épais livre marron aux centaines de pages, aux écritures diverses et fait de bric et de broc. Le livre qui maintient immuablement le spectacle dans le temps, je vous laisse à votre tour devenir un autre "Tomorrow" et il ne me reste plus qu'à vous souhaiter un bon spectacle.

"Je ne suis pas venu vous dire comme tout ça finira. Je suis venu vous dire comment ça va commencer."

Créée

le 24 déc. 2023

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Louis Chappot

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