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"Bruiser" est un (premier) long métrage très classieux qui revêt la forme d'un récit d'apprentissage autour de la personne de Darius, un ado noir américain de 14 ans. Les conditions sociales n'appartiennent absolument pas aux thématiques explorées par le film qui s'intéresse avant tout à un schéma pas très original mais mené plutôt sérieusement de modèles masculins s'offrant à l'adolescent. D'un côté Malcolm, son père, agent commercial dans une boîte de voitures, et de l'autre Porter, un vagabond un peu mystérieux rencontré par hasard sur un lieu où il traîne avec des amis. On apprend assez vite que le père biologique est, gigantesque coïncidence, précisément cet inconnu rencontré par hasard et qui a l'air tellement cool avec ses muscles et ses tatouages et sa vie de bohème au bord d'un cours d'eau sur sa petite péniche de SDF de luxe. De là les enjeux du film, Darius ayant devant lui deux figures paternelles et deux modèles à suivre ou non.


On peut le reconnaître directement, le soin apporté au son et à l'image constitue autant un atout qu'un poids pour le film : atout car l'ambiance soyeuse ainsi générée, avec ses couleurs très travaillées oscillant entre teintes bleutées et orangées, avec ses musiques parfois un brin stressantes (presque héritées de chanbaras des années 1960 dans ses percussions boisées), est instinctivement envoûtante ; mais poids aussi car la profusion de ces effets conduit à une hyper-stylisation générale qui devient malheureusement contre-productive, la faute à ces excès mal maîtrisés.


Puis le film de glisser vers un trouble chez l'ado, fatalement, qui passe par une confusion sémantique en appelant son père dad, puis Malcolm en présence de Porter, avant d'appeler Porter lui-même dad dans les dernières séquences. Les deux figures masculines ont en commun le portrait de l'homme plein de testostérone, et leur affrontement culmine dans la baston finale montrant en quelque sorte l'échec de cette culture du muscle chez l'ado qui prend les devants et s'enfuit avec une voiture sur fond d'Otis Redding (Cigarettes and Coffee est le leitmotiv du film). Deux approches donc pour réagir au harcèlement subi par Darius, mais les deux feront souffrir l'enfant. Pas mal de clichés sont évités, mais dommage que le personnage de la mère ne soit pas plus développé. En toile de fond, le pardon parfois impossible, les schémas de violence latente, et deux faces de la même pièce autour de la gestion des émotions.

Créée

le 6 mars 2023

Critique lue 94 fois

Morrinson

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