Y'a des jours comme ça où tu voudrais bien des nouilles dans ta soupe, mais tu ne récoltes que la couille dans le potage.


En résumé : des emmerdes qui montent jusqu'aux verres de tes lunettes, un banc de sable poisseux comme piste d'atterrissage incontrôlé, une cravate même pas foutue de faire un noeud de pendaison correct... et te voilà devenu une sorte de François Pin-Yon, alter ego de, loser sympathique obligé de dormir dans un pédalo cygne (mais avec un toit !) tout en cherchant ses victuailles entre champignons au CO2 et outils de pêche qui se retournent contre son utilisateur.


Quelque part, une naufragée d'un autre genre. La peur du monde réel, du regard des autres. E-robes, e-accessoires, e-confiance en soi, e-potes... seul le mal-être est concret. L'exclusion, elle, prend la forme d'un t-shirt XXL qui évoque le drap blanc des fantômes de folklore. Un contact va se faire, je ne dis pas comment.


Commedia dell' parqués


Des nouilles aux haricots noirs est avant tout une comédie, inventive et parfois assez cartoonesque (ou manhwaesque plutôt, google m'apprenant que le manhwa est le manga coréen). Une comédie donc, assez tordante par moment. C'est une bonne surprise car en général l'humour CM1 des coréens me laisse assez perplexe, surtout lorsqu'il débarque dans des thrillers noirs comme The Chaser, avec des scènes de commissariat très Pinot simple flic entre deux tueries sanglantes. Ici ça a marché sur moi, avec ce héros qui passe de clown blanc à clown taré en fonction des scènes, obligé de jouer les MacGyver pendant que son look passe de cadre propret à chien de la casse. Mention aussi à certaines escapades dont je ne dévoilerai pas la teneur, impliquant un casque de moto, un parapluie arc-en-ciel et un automate à ressort.


Le coeur bordé de nouilles


Et pourtant le film ne tombe jamais totalement dans la légèreté, dévoilant un regard sensible derrière le burlesque. Notre naufragé se bricole une seconde vie, mais il finit par s'en accommoder par peur de retrouver le monde, pas par plaisir. Paradoxe de ne pas être échoué en plein océan, d'avoir la foule, la modernité, le confort à portée de regard, et d'être malgré tout exclu du tableau. Sans trop en dévoiler, ses larmes quand il réussit enfin un défi qu'il s'était fixé, ou la minute seulement où apparaît une mère à l'écran sont des moments émouvants assez réussis, alors qu'on se marrait la scène d'avant. La fameuse "comédie avec des émotions" que Danny Boon ou Frank Dubosc essaient de nous vendre à chaque fois - sous nos regards gênés - mais qu'on ne rencontre pas si souvent.


Ce qui le distingue aussi de la comédie bateau c'est qu'il y a du cinéma. J'entends par là des idées de mise en scène, un montage malin et des plans travaillés qui pimentent le rythme et l'humour visuel de l'ensemble. Face aux contraintes - cadre restreint, peu de personnages, peu de dialogues possibles - Lee Hae-Jun répond par de l'alternance de points de vue, des monologues intérieurs, des cadrages qui parlent par eux-mêmes.


La fin des haricots


J'avoue avoir eu peur du gâchis sur la fin en voyant débarquer 2-3 ralentis bien foireux, mais cela reste des fautes de style mineures là où le réalisateur réussit à mon sens le principal : terminer sa fable sur une note souriante, tout en évitant le happy-end tellement gros qu'il en devient idiot.

VilCoyote
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le 15 avr. 2015

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VilCoyote

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