On attend généralement beaucoup des enfants de cinéastes célèbres et talentueux. On attend de voir si ils sont à la hauteur de leurs parents lorsqu'ils décident de suivre leurs traces pour se lancer dans le cinéma. Beaucoup on échoué dans ce domaine, recevant les foudres de cinéphiles qui les attendait au tournants, pour pouvoir dire que le piston ça peut aider lorsque l'on a pas de talent. Car l'industrie du cinéma est une entreprise compliqué et difficile d'accès, et il est parfois agaçant de voir que les fils ou filles de puissent faire des films alors qu'ils n'ont pas les compétences pour, que leurs succès vient de leurs noms. C'est un discours que l'on entend souvent car au final il est compliqué d'être "l'enfant de" lorsque l'on veut lancer sa carrière, parce qu'il faut pouvoir s'extirper de l'ombre de son parent et de prouver sa valeur. Certains on réussi dans le domaine, d'autres sont passé inaperçu, ce qui a faillit être le cas pour Jonás Cuarón, son premier film Año uña sortie en 2007 étant quasiment introuvable ou alors inconnu pour un grand nombre. Il aura fallu attendre 2013, où il a collaboré avec son père, Alfonso Cuarón, sur l'écriture du film Gravity. Il connut un certain éclairage sur sa personne, surtout qu'il avait réalisé un court métrage en rapport avec ce film, et c'est donc véritablement deux ans après qu'il décide enfin de prouver de quoi il est capable en sortant son deuxième long métrage, Desierto.


Scénarisé par lui-même et par Mateo Garcia, ils ont décidé de prendre une approche très restreinte sur leur récit, limitant l'unité de lieu et de temps. L'intrigue se déroule dans une petite portion du désert et elle dure moins de 48 heures. Nous plongeant directement dans l'action, ils décident de nous en révéler que très peu sur les personnages, les caractérisants par des stéréotypes et usant de beaucoup de setup/payoff lors de la scène d'expositions pour signifier sans subtilité ce qui aura de l'importance par la suite. Les personnages seront donc très vite limité à n'être que de la chair à canon, on sait très vite qui sont destinés à mourir parmi les mexicains et ceux qu'on va suivre pendant leurs survies. On se désintéresse alors très vite d'eux dans un premier temps, jusqu'à ce que le récit ait l’habilité de créer de l'empathie pour eux au cœur de l'action et non pas durant les moments de pauses. Le personnage principal deviendra donc très vite attachant, par sa détermination morale mais aussi par sa volonté de bien faire. Il apparaît terriblement humain et lorsque l'on en apprend plus sur lui on découvre qu'il à plus d'épaisseur que l'on aurait pu le penser. Même si ça reste classique, il apparaît comme un moteur qui nous implique vraiment dans le film et voir son face à face avec le tueur qui les traque à quelque chose de vraiment stimulant, offrant de véritable moments de suspense. D'ailleurs, ce face à face à quelque chose de très prévisible sur la narration mais arrive à trouver un intérêt dans sa symbolique. Parlant d'un pays qui se perd dans sa propre paranoïa, reprochant sa décadence à l'étranger plutôt que de se tourner vers sa propre vanité et ses afflictions, se voilant la face par des moyens artificielles pour justifier sa propre violence. Le tueur est la représentation parfaite de ce pays en perte de repère, qui cherche un endroit meilleur pour se reconstruire et qui est prêt à tout pour se l'accaparer. Il n'est pas si différent de ceux qu'il tue mais préfère se voiler la face et alimenter sa folie. Le récit arrive même suffisamment à le nuancer pour arriver à nous faire ressentir de la pitié pour lui, sans excuser ou justifier ses actes, ceux-ci étant impardonnables et injustifiables, mais il arrive à nous faire entrevoir l'homme derrière le monstre (deux notions qui s'entremêle ici), notamment dans sa relation avec son chien.
Ce face à face prend aussi corps grâce à l'implication et le talent des acteurs. Même si les rôles secondaires sont assez restreints et peu mémorables, chacun des acteurs fait un travail remarquable pour rendre leurs personnages authentiques. Mais c'est véritablement le duo principal qui impressionne, les deux acteurs s'imposant comme des monstres de charisme et d'intensité. Gael García Bernal est magistral dans un rôle terriblement humain et attachant, il arrive à retransmettre à la perfection toute les nuances de son personnage avec subtilité. Il est même brillant lors du dernier acte où il doit s'opposer directement à celui qui le traque, il cristallise toute l'angoisse et le désespoir de son personnage pour les faire éclater à l'écran. Jeffrey Dean Morgan n'est pas en reste dans son rôle de tueur sans merci, il se montre terrifiant sans pour autant tomber dans la caricature, arrivant à laisser entrevoir un côté plus appréciable de son personnage. Le faisant apparaître comme un homme désespéré qui cède à la désorientation et à la folie, plutôt que comme un redneck désincarné et totalement machiavélique.
La réalisation est prodigieuse. Prenant place dans un décor aride et difficile, on reste admiratif devant la maîtrise de l'ensemble qui offre un rendu fluide et abouti alors que les conditions de tournage aurait pu faire tourner le tout en véritable catastrophe. Surtout que le film ne cède pas à la facilité et n'use de quasiment aucun artifices accentuant le côté âpre et tendu de l'oeuvre. La photographie magnifie les environnements, le travail sur le cadrage est astucieux dans sa manière de gérer l'action et les transitions, pour que tout soit lisibles sans pour autant tomber dans le gore et c'est aidé par un montage habile qui sait être énergique comme plus contemplatif. La musique aide aussi dans l'expérience sensorielle qu'est ce film, Woodkid signant un score magnétique et vraiment puissant qui offre quelques frissons. Après il est légèrement dommage que la mise en scène de Jonás Cuarón soit un peu trop dans l'esbroufe. Que ce soit du plan d'ouverture, qui est certes magnifique, au plan final, qui est de trop par contre, tout est pensé pour en mettre pleins la vue sans la moindre retenue. Alors certes la gestion de la tension est impeccable, le rythme géré à la perfection et tout ce qu'entreprend le film sur le plan visuel est abouti et vraiment impressionnant mais jamais cela ne dépasse l'exercice de style appliqué mais sans âme. L'image est belle mais elle est vide, Jonás Cuarón ne fait que signer une copie admirable mais très scolaire, qui n'est là que pour montrer son immense talent, car il en a c'est indéniable, mais qui l'empêche de montrer qu'il à du cœur. Chose que son père avait su faire avant de montrer ses prouesses visuelles.


En conclusion Desierto est un bon exercice de style. Une oeuvre appliqué et prenante mais bien trop scolaire pour émouvoir et vraiment prendre à parti le spectateur. On en ressort avec le sentiment d'en avoir pris plein les yeux et pleins les oreilles mais pas plein le tête. Pourtant le film essaye de nuancer son propos et possède une vraie symbolique qui arrive à toucher quelque chose de très juste dans la société actuel mais cela est écrasé par les envies d'esbroufe de la mise en scène. Jonás Cuarón est clairement un réalisateur talentueux, mais il ne s'impose pas encore comme son père comme un cinéaste pertinent. Il est évident qu'il a des choses à raconter mais il ne sait pas encore comme le faire et se contente de les montrer avec maîtrise mais aussi avec froideur. Néanmoins il arrive à offrir une expérience sensorielle âpre et prenante et en s'entourant d'un casting exemplaire. C'est pas parfait mais c'est déjà beaucoup surtout qu'il signe malgré tout une variation assez intéressante du western et qu'il offre un duel marquant.

Frédéric_Perrinot
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le 19 avr. 2016

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