Tsui Hark, légende du cinéma hongkongais, qui nous avait ébloui avec Zu, les guerriers de la montagne magique, Il était une fois en Chine, ou encore Dr Wong contre les pirates, revient à ses origines en nous livrant une fresque à gros budget. Enfin la renaissance tant attendue d'un cinéaste que l'on croyait dépassé ?
En l'an 690, en Chine, une gigantesque tour à l'effigie de bouddha est en train d'être construite. Alors qu'une visite a lieu, le maître d'oeuvre meurt d'une mystérieuse combustion spontanée. Les morts se multipliant, l'impératrice régente, Wu Zetian (Carina Lau), décidera de faire libérer le Détective Dee (Andy Lau), un fin limier, emprisonné 8 ans auparavant après s'être opposé à elle. Suivi de près par deux des plus fidèles sujets de l'Impératrice, Bei Donglai (Deng Chao) et Jing (Li Bingbing), Dee devra utiliser tout son potentiel de déduction pour déjouer un complot bien plus grand qu'il n'y parait, visant à assassiner l'Impératrice elle-même.

Ne vous y trompez pas, car sous son apparence de film d'arts-martiaux, ça n'en est en réalité pas un. Certes l'oeuvre nous livre quelques combats sympathiques, chorégraphiés par Sammo Hung, mais c'est avant tout une enquête passionnante façon Sherlock Holmes mêlée à l'histoire de Chine.
On pourra toujours reprocher une certaine lenteur dans la progression, mais Hark, maître de sa machine, réussit à développer à la perfection ses personnages, aussi attachants que complexes, suscitant une implication importante de la part du spectateur.
Les effets-spéciaux, s'ils déçoivent quelque peu lors des plans en images de synthèse (par exemple l'attaque des cerfs), sont en revanche contre-balancés par des décors hallucinants, riches et variés, dont notamment l'intérieur de la tour, offrant une profondeur de champ impressionnante et un réel soucis du détail, presque de la 3D sans lunettes. Les couleurs et contrastes sont superbes, et l'on fond devant des costumes et des maquillages d'une beauté subjuguante, presque sans cesse renouvelés d'une scène à l'autre. Un ballet visuel envoutant, et surtout étonnant quand on voit le budget anorexique du film (13 millions de dollars) — une belle leçon d'humilité envers d'autres productions bien plus conséquentes et parfaitement immondes.
On se plaît dans cet univers, on a l'impression de connaître ces personnages, de vivre avec, et les revirements inattendues de certains d'entre eux ne fera que renforcer l'attachement qu'ils procurent.
D'ailleurs l'oeuvre n'est pas qu'une simple enquête, mais également une reconstitution historique, s'attaquant au sujet controversé de l'ascension de Wu Zetian, qui d'Impératrice régente, devint « Empereur », la première femme de Chine à l'être. Un sujet pourtant délicat, mais que Hark traite à la perfection, réussissant à nous restituer avec brio la personne qu'elle fut, avec ses forces comme ses faiblesses, un chef avec une main de fer dans un gant de velours, sans pitié pour ses détracteurs, mais qui apporta également beaucoup d'acquis sociaux, notamment aux femmes, peu considérées à cette époque. Hark lui rend un fabuleux hommage, et je serais presque tenté de dire que c'est elle le personnage principal, Dee et ses compagnons d'arme, malgré leur importance, n'étant en réalité ici que pour nous montrer à quel point ses sujets pouvaient lui être fidèles et dévoués, que ça soit de la vie jusqu'à la mort.

Bref, le Detective Dee est une fresque imaginative, doublée d'une enquête, qui bien qu'alambiquée, nous captive. Mêlant avec maestria un passé bien réel et une fiction, il réussit à nous servir un récit à deux lectures, afin de ne pas braquer les moins férus d'histoire. Pas exempt de défauts, le bonheur qu'il procure est cependant bien trop grand pour lui en tenir rigueur. La bobine file à toute vitesse, et c'est avec un pincement au coeur que l'on revient à la réalité, une fois le générique de fin arrivé. Dee nous manque, tout comme Jing ou Bei Donglai, et bien-sûr cette incroyable Impératrice, que l'on hait puis que l'on aime.
Pour conclure, les amateurs de grandes fresques chinoises mélangeant histoire et fiction ne pourront que succomber au charme de l'oeuvre, notamment ceux qui ont eu le plaisir de lire le livre de Shan Sa. Les amateurs de kung-fu resteront quelque peu sur leur faim, et quant aux autres, il est probable que le côté investigation de l'oeuvre puisse leur plaire.
Mention spéciale dure à attribuer, tant les acteurs sont justes et communicatifs, mais une préférence personnelle ira pour Carina Lau, parfaite dans le rôle de Wu Zetian, qui bien qu'ayant été un personnage unique dans l'histoire de la Chine, n'a hélas eu que peu de place dans l'univers cinématographique, si ce n'est dans un film portant son nom, et datant de 1963.
SlashersHouse
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le 14 avr. 2011

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