Un clip de Justice, par Jacques Audiard

Quand on s’appelle Jacques Audiard et qu’on obtient le sésame le plus précieux du festival de Cannes, on s’attend à ce que celui-ci ait du talent. Mais quand on voit Dheepan, on se demande bien comment on a pu tomber si bas.


On se demande même ce qui se passe dans la tête des jurés ces dernières années, quand des films changent réellement notre vision du média, et repartent bredouille au profit de films médiocres, populaires et à la patte d’auteur opportuniste. Dheepan fait parti de ces derniers, un film dans l’air du temps, traitant, évidemment, d’un sujet qui fâche : l’immigration. Loin de l’idée de vouloir mettre à mal ce sujet, il doit convenir d’un vrai traitement de fond, d’une ligne directrice ; ce qu’Audiard ne fait absolument pas car il essaie de manger à tous les râteliers entre le film social et celui de genre. Dheepan narre alors le récit du héros éponyme, fuyant son pays en guerre pour rejoindre une cité française en proie au trafic, la violence et l’intimidation. Tout le problème réside dans le fait que Dheepan essaie de créer du cinéma avec un sujet bien réel, sans prendre la peine de voir si il franchit la limite réactionnaire. Misérabiliste, le film ne fait que s’engoncer dans le malheur et la peur, à l’image de cette photographie grisâtre et peu travaillé, rappelant un mauvais clip de rap français. Audiard en vient même à sacrifier ses personnages, car si il explique que ceux-là n’ont pas d’autres alternatives que la violence, il n’essaie pas de leur insuffler de l’espoir. Il sont voués à mourir, à subir la loi du plus fort, car il en est ainsi. Ou bien est-ce tout simplement qu’il les considère comme des idiots, asservi à leurs plus bas instincts ?


Dheepan est une honte parce qu’il essaie de se faire passer pour ce qu’il n’est pas, et essaie d’en récolter les lauriers. Un film d’auteur ? Certainement pas car en plus Audiard reste au ras des pâquerettes, aussi bien dans la critique sociale que son récit de genre, finalement convenu et facile. De l’esthétique proche du clip à cette chronique sociale bourrées de lieux communs (le regard des autres à l’école, la barrière du langage), on préfère oublier et croire que le jury a fait une erreur d’appréciation car Dheepan ressemble presque à un reportage télé, jusqu’à son final torché, définitive preuve du manque d’implication de son réalisateur.


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Florian_Bodin
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le 3 sept. 2015

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Florian Bodin

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