Et, je pourrai rajouter, loin d'être dégueulasse pour un film (je n'ai pas lu le livre) à replacer dans son contexte : issu justement d'un livre écrit pour des adolescents, voire des jeunes adultes et donc avec un contenu que l'on pourrait qualifier de "cliché". Malheureusement, le genre veut cela, et c'est à lui de s'en départir avec plus ou moins de succès. De mon point de vue, Divergente ne s'en sort pas si mal de ce côté-là.
Le monde dans lequel Divergente nous insère n'a rien d'extravagant sur le plan de l'originalité. Après une guerre dont on ne sait strictement rien, si ce n'est qu'elle a conduit à une réorganisation totale des différentes strates de la société dans le but de mener à une paix pérenne, le monde s'organise sous forme de groupes sociaux totalement distincts les uns des autres nommés "factions" : la faction des Altruistes, chargés notamment des instances décisionnaires car ce sont les individus "au coeur bon", la faction des Erudits qui possèdent et recherchent la connaissance, la faction des Sincères dont la franchise est reconnue, la faction des Audacieux qui sont les gardiens de tout ce système, la faction des Fraternels qui cultivent la terre et enfin, une dernière et sixième faction qui n'en est pas vraiment une où vont tous ceux qui n'ont pas d'appartenance réelle, les pauvres, les marginaux, les laissés pour compte. Dans ce système, les adolescents doivent à leurs 16 ans choisir suite à un test psychologique leur faction pour le restant de leur vie, faction qu'ils feront passer avant leur famille. Généralement leur faction d'origine trouve faveur, mais pas toujours. Et enfin, il y a le cas particulier des personnes que le test a révélé divergentes, comme le personnage principal du film et que le système veut éradiquer dans la mesure où ces divergents sont considérés comme étant menaçants pour la stabilité générale.
J'ai vu la bande-annonce de Divergente il y a longtemps, et je m'attendais à une daube monumentale par transfert : on aurait pris Bella et Edward de Twilight pour les transposer ailleurs en massacrant au passage le genre d'origine (pour Twilight c'était les vampires, ici ça aurait été les dystopies) sur un fond de "regardez-moi, je ne rentre pas dans une case". Dans Twilight, on ne pouvait pas lire dans les pensées de Bella, ici, Béatrice est comme de par hasard divergente. Grosse frayeur, encore une abomination me disais-je. Au final, j'aurai deux erreurs minimes et subjectives à faire remarquer : les musiques ridicules de groupes gavés aux malabars qui gâchent un peu le film, et le choix de l'actrice principale qui ne casse pas vraiment la baraque. Mis à part ça, c'est une bonne surprise, pour plusieurs raisons, et principalement d'abord pour la métaphore que ce film peut constituer de notre société actuelle.
Divergente met en relief un fait évident, souvent nié même quand il se trouve pourtant sous nos yeux : la perpétuation du système. Le caractère dit dystopique n'est là que parce que les faits ressortent comme des évidences quand il sont habituellement cachés, mis sous le tapis pour faire croire à de grands principes. Entre les factions, peu d'échanges à la fois verbaux et humains, donc peu d'échanges tout court. On y trouve parfois même du mépris, qu'il soit réciproque ou à sens unique. Et enfin, une caste d'intouchables qui ne peut franchir la barrière qui a été posée entre elle et le reste du monde. Tout cela ressemble furieusement à notre monde contemporain, censé être remplis de gens éclairés, profondément humains et j'en passe. Cela y ressemble jusqu'au point où Béatrice, le personnage principal agit dans la logique de l'action d'un individu à part dans le système dans lequel il se trouve, logique beaucoup plus cohérente que celle de Winston Smith dans 1984 (je sens que certains vont hurler) : elle va chercher à se conforter à ce système, à s'insérer dedans, à être acceptée par lui. Comme finalement la plupart des êtres humains, qui finissent malgré tout par tenter de s'insérer contre leur gré dans un groupe pour ne pas finir seul, même si ce groupe semble leur envoyer des confettis pailletés dans les yeux à base de "vous-êtes-différents-vous-rentrez-pas-dans-des-cases", leitmotiv d'ailleurs employé par succès par le capitalisme à la pomme pour vendre des ordinateurs un smic. Mais c'est un autre débat.
Le film pourrait paraître manichéen, superficiel. Les altruistes, "trop bon trop cons", les érudits, de grands méchants voulant conquérir la planète, archétype usé jusqu'à la moelle. Pour autant, personne n'est la perfection incarnée et le film fait parfaitement ressortir les individualités de façon tout aussi paradoxale que peut l'être la nature humaine : ici, un altruiste faisant "le bien" qui bat son fils pour qu'il rentre dans la direction de "faire le bien", là une érudite voulant se défaire selon ses dires de ce qu'elle trouve avilissant dans la nature humaine tout en faisant tout pour obtenir le pouvoir, élargir ses intérêts, ce qui ne fait que la conformer à ce qui est susceptible de faire le pire chez l'homme, contre les autres hommes et femmes.
Divergente réussit pour moi là où d'autres films du même acabit ont tous échoué, ou plutôt n'ont pas su saisir leur chance. Ce n'est pas un objet transcendant, mais il a le mérite d'avoir une cohérence psychologique indéniable.