Dark Eastwood
Ah la vache, ça reste du bon Bis mais ça fait mal quand même... J'ai pourtant redécouvert avec une nostalgie émue Django traîner son cercueil dans la boue de la bourgade morte mais à mesure que ça...
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le 31 janv. 2012
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L’ouverture de Django se caractérise par une mise en tension : pendant un long plan-séquence, le spectateur observe un homme traînant machinalement un cercueil dans la boue, images fourbues sur lesquelles se greffe une musique pourtant engageante. Un dézoom volontairement disgracieux ponctue la scène en faisant état du chemin parcouru par cette silhouette lasse. À ce décor crasseux traversé sans allant par Django, le réalisateur italien Sergio Corbucci va immédiatement accoler le lynchage d’une prostituée capturée par des bandits mexicains, puis menacée par les foulards rouges du major Jackson, ex-officier confédéré suprémaciste. « Les animaux sauvages, nous les domptons avec le fouet », avancent les premiers, sourires carnassiers aux lèvres, avant que les seconds ne les liquident et ne s’avisent de les imiter. Déjà, la cruauté affleure, les dialogues fusent et les jeux de regard, enserrés dans un cadre circonscrit, produisent leurs effets. Django passant par là, il intervient et sauve Maria, qu’il emmène aussitôt dans le saloon d’un village dépeuplé, balayé par le vent et parsemé, lui aussi, d’une boue épaisse. Le foulard rouge absorbé par les sables mouvants après les heurts présidant à leur rencontre est hautement programmatique : l’homme au cercueil et la prostituée vont sonner le glas de ces bandes organisées qui font la loi près de la frontière mexicaine.
À leur arrivée au saloon, le temps semble comme suspendu. « Elle ne peut pas rester ici. » Le tenancier Nathaniel sait que son établissement, situé en terrain neutre, ne peut accueillir une femme honnie que se disputent deux clans rivaux sans se mettre dans une position précaire. Pendant que Jackson s’exerce au tir aux pigeons sur des Mexicains – spectacle véritablement innommable –, Franco Nero est filmé de telle sorte que son personnage prend une dimension nouvelle. Chapeau vissé sur la tête masquant par moments son visage, regard pénétrant, gros plan iconique, ce cowboy « courageux ou inconscient » qui apporte sa protection à « une putain vendue aux Mexicains » et qui aspire à « éliminer les fanatiques et les bandits pour le bien de tous »ne craint apparemment rien ni personne. Sergio Corbucci le montre extraire une mitraillette de son cercueil, attendre patiemment des dizaines d’ennemis dans la boue, à peine caché par un arbre déraciné, puis décimant les troupes de Jackson, laissé en vie lors d’une première fusillade au saloon, en usant de l’effet de surprise. « Les cimetières sont de bons investissements dans ce pays », commente-t-il comme s’il procédait à sa propre introspection. Dans un film séminal, cynique et pessimiste, les alliances et leurs retournements (avec les Américains et les Mexicains), les séquences douloureuses (mains broyées, oreilles coupées puis ingurgitées de force, etc.), les relations impossibles (« L’amour, je l’ai laissé et je l’ai enterré à jamais ») vont se succéder avec force et fracas, le plus souvent nappés d’une élégance sépulcrale. Si Sergio Corbucci construisait son récit au fur et à mesure des prises (on exagère à peine), la tonalité de son film, qui lui valut une interdiction au Royaume-Uni jusqu’en 1993, était préfigurée dès la séquence d’ouverture et a été stabilisée d’un bout à l’autre : il y a du Peckinpah, du Leone, du Kurosawa dans cette œuvre-phare magnifiquement mise en musique par Luis Enríquez Bacalov.
Sur Le Mag du Ciné
Créée
le 17 juil. 2022
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