Dobermann
6.1
Dobermann

Film de Jan Kounen (1997)

Quelque part, fallait s'y attendre : filmer Roman Duris faire sa crotte dans un canal puis se torcher avec un exemplaire des Cahiers du cinéma, c'est le genre de blague qui se raconte pas le soir de Noël ! "J'ai voulu faire un film mal élevé", disait à peu près Jan Kounen un beau soir sur France 3 où, croyant tomber sur une gentille histoire animalière, le gosse de dix ans que j'étais décida de se coucher tard. La darone dormait déjà, mauvais soir pour me confier au service public.


Mais trêve d'anecdotes : Dobermann, c'est pas ton père, ni ton frère, ni ton pote et encore moins ton tuteur. Eventuellement, c'est le cousin éloigné dont la famille ne parle plus, l'exilé malsain. Il te prend en stop et boum, un braquage et deux orgies plus tard, t'es devenu un homme ou tu restes petit garçon à jamais. Dans tous les cas, t'es fichu, un peu sali. Même si ça t'a plu. Surtout si ça t'a plu. Cassel, Belluci et des gueules, plein. Un truc à te faire trembler les Expendables, au bas mot.


Un gang de braqueurs, un flic trop zélé (Tcheky Karyo dans son plus grand rôle d'enfoiré !), Paris, et une folie qui s'invite à chaque raccord, chaque changement d'axe. Blindé comme pas permis de punchlines d'un autre monde ("Il doit falloir en sucer des kilomètres de queue pour se payer une bagnole comme ça !"), le film pousse l'humour jusqu'au 3ème degré tout en conservant une violence frontale (ce qui le rend irrécupérable pour qui voudrait le faire entrer dans une case respectable). Cartoonesque, Dobermann est un vrai film fou dont chaque centime dépensé est à l'écran.


Car en plus d'être hilarant, le défouloir se paye un défilé d'images fortes, comme cette explosion qui souffle deux policiers sur un bon kilomètre, cascade hallucinante et effets visuels à l'appui. Et la dégaine des personnages, leur cuir saillant, les mimiques outrées d'une Belluci sourde et muette, la cicatrice de Karyo... Kounen est l'un des Français qui tente le plus de choses en termes visuels. Forcément, avec une telle base narrative, de ce chaos sous contrôle est né un film furieux que le rire pervers d'un Romain Duris clôt avec un majeur bien tendu.


On appelle ça le comic-book movie dégénéré messieurs dames, soit un vrai cauchemar pour les chaînes publiques (je ne l'y ai plus recroisé depuis !) doublé d'une bombe d'énergie qui ne s'excuse jamais d'aligner balles traçantes, cureton enfouraillé, zoom agressifs et fuck you attitude dantesque. Français jusqu'au bout des poils, ce molosse là fait un bien fou même vingt ans après sa sortie, actioner violent comme un John Woo et cadré comme un Evil Dead. Malgré leur antinomie formelle, il faut aller taper dans le génial Calmos de Blier pour retrouver un tel refus du politiquement correct.

Fritz_the_Cat
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le 2 mai 2015

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Fritz_the_Cat

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