Revenons 12 ans en arrière, si vous le voulez bien.
12 ans, quasiment jour pour jour à l'heure où ces lignes sont écrites.
Le 14 novembre 2013 (dans mon imaginaire, nous étions le 22 novembre mais la data base de YouTube peut se montrer bien cruelle).
Le monde entier (... bon d'accord, on va surtout s'en tenir aux anglais et aux et quelques fans éparpillés sur le globe) s'apprête à célébrer les 50 ans de la série de science-fiction la plus veille de l'histoire du petit écran.
Matt Smith, qui a annoncé quelques mois en amont qu'il s'apprêtait à tirer sa révérence, est celui vers lequel tous les regards se tournent en ce qu'il incarnait en ce temps Doctor Who (et même le retour de David Tennant pour ladite célébration, lui aussi annoncé, ne pouvait rien y changer).
Autant dire que, lors de la mise en ligne d'un épisode quelques jours avant la date anniversaire du very first episod, An Unearthly Child, le 23 novembre, tout le monde s'attendait à ce que le Time Lord au nœud pap et fan de fez soit sous le feu des projecteurs de ce premier avant goût de l'épisode spécial (que dis-je ? L'événement !), The Day of the Doctor.
Pourtant, contre toute attente et comme un tour de passe-passe, le showrunner Steven Moffat ramène sur le devant de la scène Paul McGann, qui redevient, comme par enchantement, le Time Lord le temps de quelques précieuses et impeccables minutes.
I am a doctor... but probably not the one who were expecting.
Vous m'excuserez pour ce petit caprice formel mais vous n'imaginez pas comment cette simple réplique a eu, et continue d'avoir, l'effet d'un électrochoc.
"Paul McGann ? Mais qui c'est celui-là encore ?" pestez vous avec un air perdu. Il s'agit du denier Doctor en date avant que Christopher Eccleston prenne les commandes du Tardis en 2005. Le britannique, que vous avez sans doute croisé dans Alien³ ou Luther, avait en effet porté sur ses épaules, tant bien que mal, le téléfilm Doctor Who, qui s'inscrivait dans la continuité de la série du même nom, annulée 10 ans plus tôt.
Qu'on se le dise, cette tentative de revival n'a pas été des plus fructueuses, si bien qu'il a fallu attendre 10 ans encore pour retrouver la cabine téléphonique bleue sur les écrans. Pourtant, s'il y a une chose qui mérite qu'on s'en souvienne, c'est bien Paul McGann ou, à défaut d'être en mesure de citer une scène vers laquelle vous tournez pour vous le démontrer, de son potentiel trop peu exploité dans le rôle titre, et ce Night of the Doctor ne fait que le confirmer.
Si le romantisme si caractéristique de cette incarnation a été altéré par les ravages de la Time War, celui-ci se décèle à travers des répliques bien senties et savoureuses qui nous laissent songeurs quant à un spin-off centré sur ce Doctor d'entre-deux-show (le talentueux artiste David Burgess était même allé jusqu'à réaliser un title sequence qui envoie).
Malgré sa courte durée, cet épisode n'est pas non plus sans défaut (le stabilisateur de caméra est manifestement passé à la trappe quand le réalisateur a passé en revue son équipement) mais la satisfaction qu'il procure n'en demeure pas moins intacte pour la simple et bonne raison que ce retour inespéré et inattendu est venu combler un vide creusé depuis 2005 dans l'historique narratif de la série en offrant, aussi bien aux fans qu'à son interprète, le fin mot du run du Doctor de McGann et d'introduire officiellement John Hurt, appelé à la rescousse pour pallier l'absence d'un Eccleston qui ne souhaitait plus être impliqué avec le show depuis son départ, dans le Who club (nom non breveté).
Le sens du timing redoutable de Steven Moffat n'aura jamais autant fait ses preuves car, contrairement à ce que Russel T. Davies fera des années plus tard à l'occasion de son retour aux commandes, que ce soit pour les 60 ans de la série ou (malheureusement) durant le run de Ncuti Gatwa, le showrunner de l'époque se tourne vers le passé pour l'explorer davantage mais aussi (et surtout) pour aller de l'avant et donner une impulsion (oui, il faut insister) à la série et à son héritage à travers ce pont qui a su unir la Classic Who et la New Who à point nommé.
Une surprise réussie. Un retour salvateur. Un vrai coup de maître.