Ville de chiens

Tourner avec un minimum d'accessoires et aucun paysage : voilà une idée qui aurait pu faire un excellent court-métrage. Ou une très bonne pièce de théâtre. Réalisé comme une reconstitution de scène de crime, le joujou de Lars Von Trier a le mérite d'être atypique.

Malheureusement, son originalité ne compense pas le fait qu'une telle intrigue étalée sur trois heures devienne vite pénible. De plus, le scénario, plutôt classique, manque de profondeur, même si quelques nuances narratives propres font son charme. Par contre, ces choix sont parfois désavantageux, notamment l'annonce écrite des actes et de leur déroulement, sabotant tout suspens, un procédé peu efficace pour un thriller. On pourra également mentionner le narrateur façon "conte de Noël", qui au final usurpe environnement et mise en scène. Quant aux comédiens, ils possèdent un certain talent mais ne bouleversent aucunement le métier, et sont même un peu poussifs par moments. Aussi, les relations clichés et le background des personnages ne contribuent en rien à les rendre crédibles. L'absence de décors est rapidement déprimante, alors que des paysages à la manière oppressante de Fargo ou de Shining auraient grandement contribué à rendre l'histoire passionnante (ou alors il aurait fallu révéler ces décors à un moment donné). Ici, les personnages miment leurs actions et les endroits où ils se trouvent, s'en est presque ridicule. L'intention est bonne mais le résultat est moyen.

Finalement, le film a du mal à se démarquer d'un fond légèrement prétentieux, malgré son aspect formel plutôt modeste. Vu l'ambiance, on peut songer sans difficulté à une pellicule d'Hitchcock, mais sans le soin méticuleux apporté à l'intrigue et aux lieux où évoluent les protagonistes, moteurs indispensables pour que le mécanisme fonctionne.