Donnie Darko 2 : L'Héritage du sang
2.8
Donnie Darko 2 : L'Héritage du sang

Film DTV (direct-to-video) de Chris Fisher (2009)

D'emblée, Richard Kelly s'est opposé avec beaucoup de virulence à un projet de suite à son film, considérant qu'il formait à lui seul un tout cohérent et qu'une séquelle n'avait aucune raison d'être.

S.Darko, la suite finalement produite et sortie chez nous en DTV chez nous après plus d'un an dans les tiroirs, nous parvient précédée d'une rumeur pour le moins calamiteuse...
Mais lorsque l'on connait l'intolérance et la virulence des fans dès que l'on touche à l'objet de leur culte, on ne pouvait que considérer cette rumeur avec méfiance et avoir le désir de juger sur pièce et par soi même de la qualité du film...


Dans les bonus du film, se trouve un making of dans lequel sont évoquées les oppositions viscérales de Kelly et des fans de Donnie Darko et chaque participant au projet semble à la fois exprimer avec force démagogie sa déférence au film original et à son auteur, mais également déclarer, tous, du scénariste aux acteurs en passant par le réalisateur lui même, leurs réticences fondamentales à donner une suite au film quasi-mythique de Richard Kelly...
Reticences vite balayées par une pirouette dialectique:
puisqu'il est - de l'avis de tous - impossible et peu souhaitable de donner une "suite" à Donnie Darko, nous ne le ferons donc pas !
Et S.Darko, qui reprendra le personnage très secondaire de Samantha, la jeune soeur de Donnie (et sa comédienne, 7 ans après, devenue une jolie jeune femme) ne sera donc pas une suite, mais un "prolongement" pour reprendre leur terme exact... Un genre de "Spin of" en quelque sorte...

Tout est dit, la suite du making of ne fait qu'exposer davantage l'ineptie et les nombreux contresens du projet, chaque protagoniste ayant toujours l'air de s'excuser par avance, et - surtout - tous parlant d'un film qu'ils n'ont pas vu puisque les interviews sont évidemment réalisées en plein tournage alors que nul n'a encore la moindre idée de ce que sera le "produit" fini...

Et, malheureusement, on ne peut que déplorer par avance leur désillusion à la découverte du film qui s'avère, pour le coup, tout à fait à la hauteur de sa triste réputation.

Le résultat est même assez consternant, pour tout dire, car, en fait de "prolongement" à Donnie Darko, on se retrouve devant un drôle d'objet, copié-collé quasi à l'identique du film de Kelly tant esthétique que narratif, éludant étrangement tout ce qui en faisait l'essence et la valeur du premier opus, en les escamotant au profit d'une idéologie douteuse, d'un scénario souvent absurde, de personnages tous creux, voir inexistants, joués par des comédiens à la limite de l'amateurisme et dans une mise en scène d'une platitude rare.

Je développe un peu:

Ce qui faisait la profondeur de Donnie Darko résidait, entre autre, dans sa faculté à capter, même de manière stylisée, une réalité du malaise adolescent, du rapport fraternel, de la cruauté humaine, de la faillite de l'éducation, du fanatisme bigot, de la cellule familiale confrontée à la perte d'un membre, etc...
Le tout imbibé d'une nature fantastique pure inspiré de la schizophrénie même de Darko autant que de ses réflexions métaphysiques et existentielles sur la mort, l'espace et le temps, parfois obscure mais jamais creuses que le film de Kelly distillait avec parcimonie et intelligence, avec une science du mystère tout à fait remarquable.

Dans S.Darko tout cela parait si lourd et artificiel, opérant un schéma narratif des plus rebattus et se payant même le luxe d'une happy end dans son déroulement "Deuil-errance-résilience-investigation-sacrifice-rédemption-réparation-résurrection"...

Dans Donnie Darko, chaque personnage, même secondaire était traité avec épaisseur et chacun semblait être une partie du puzzle et trouvait finalement sa place dans le film lors de son épilogue. Ici, le film procède à l'inverse, en cherchant, dès les premières minutes, à réunir le plus de corps adolescents possible (façon Twilight ou destination Finale) dans le récit, tous plus creux et caricaturaux et tous très mal interprétés (à l'exception de Briana Evigari, plus convaincante) à tel point que l'on s'attend à tout instant à voir débarquer le Jason Vorhees ou le Freddy Krueger qui daignera les couper en rondelles...
Les acteurs et personnages adultes ne relevant guère le niveau (sauf John Hawkes) et le manque d'épaisseur sera révélé cruellement par la vacuité d'un épilogue totalement calqué sur celui de Donnie Darko où l'on voit défiler tous les personnages du film, à ceci près que ce qui prenait sens et était bouleversant dans l'un, apparaît totalement vide de toute moelle dans l'autre et n'apporte absolument aucune signification par ricochet à l'ensemble du récit.

Le scénario étant - sans doute par excès de déférence envers son modèle - d'une bêtise déconcertante, se contentant de reprendre chaque élément du récit initial, en le twistant à peine pour tenter de donner l'illusion d'un autre film.
Donnie Darko est un garçon, ici, S.Darko est une fille, Darko sature ses bleus nuits dans une esthétique des plus ténèbreuse, ici c'est le plein soleil sursaturé de l'Utah qui domine, le personnage de supercoach pédophile de Patrick Swayze devient ici un pasteur prosélyte totalement fou de Dieu et suspecté tout au long du film des pires crimes...
Et ce jeu des comparaisons pourrait durer tout le temps du film tant la copie est grossière et maladroite.
Mais malheureusement, la mise en scène(tantôt "clipesque" et tantôt road movie à la Thelma & Louise) très peu inspirée, ne parvient jamais à transcender son matériau, bien au contraire, elle semble sans arrêt, notamment par ses effets ridicules, en trahir l'absolue vacuité...


A commencer par la symbolique religieuse et politique, sous texte très clair, très appuyé, bien peu subtil et le plus discutable du film. (Attention spoilers...)
Le personnage du pasteur, ancien délinquant repenti est pressenti durant tout le film comme l'auteur présumé des enlèvements et des meurtres de jeunes garçons... et pourtant, il n'en est rien, et il ne s'avère finalement être qu'un pauvre type, juste un peu "douteux" car titillé gentiment par sa libido et en simple quête de rédemption. Elle lui sera accordée finalement quand, lavé de tout soupçons, il s'en ira littéralement cultiver son jardin, devant lequel trône le christ en croix, acompagné de sa jeune recrue, elle aussi pècheresse (Marie-Madeleine ?) en quête de rédemption se raccrochant au Christ pour trouver sa voie en portant un bracelet disant "What would Jesus do ?" (Que ferait Jésus ?)

Le personnage d'Irak Jack (!!!), jeune vétéran de la guerre en Irak (et accessoirement petit fils caché de Roberta Sparrow, la "Grandma death" du premier opus...encore une riche idée !) , fera, lui, le sacrifice de sa vie pour sauver le monde (littéralement...) orné de la fameuse tête de lapin (La pire idée du film de reprendre le lapin!) à laquelle il aura ajouté une couronne "d'épine" en barbelé clairement christique.

Le film ayant été produit en plein règne de George Bush Jr, en pleine campagne présidentielle et étant produit par la Fox, principal soutien républicain par le biais de Fox News, on peut alors légitimement s'interroger sur le sous-texte politique et religieux du film (même si celui ci n'est finalement sorti qu'après la victoire démocrate de Barack Obama...).

D'autant plus que ces allusions religieuses et politiques étaient beaucoup plus fines et ambigues dans le film de Kelly, permettant ainsi des interprétations plus ouvertes et très variées.
Ici, à trop vouloir prémâcher toute pensée, sans doute par mépris pour le public adolescent à qui il se destine clairement, il finit par ne s'adresser qu'à une toute petit frange de la population pas trop futée ou acquise à sa cause, et à en exclure d'emblée tout spectateur doté d'un cerveau en état de fonctionner.

Aucun film ne gagnera jamais à prendre son public pour des imbéciles en lui dictant sa loi...
Et la cabale que subit le film depuis sa sortie aux USA - notamment par un public adolescent qui n'a aucun moyen de s'y reconnaitre et qui ne peut que s'y ennuyer - n'est malheureusement pour cette pauvre Samantha Darko qu'un juste retour de boomerang.

Un Donnie Darko 3 étant vraisemblablement en préparation, il ne reste plus qu'à espérer que les producteurs en tirent les leçons et cherche cette fois à tirer le projet vers le haut car, faute de quoi, à défaut d'avoir sauvé le monde, ils auront détruit un mythe...

Mais pas le chef d'oeuvre de Richard Kelly, car Donnie Darko reste, malgré l'indigence, la superficialité et l'absence de talent de sa sœur Samantha, d'une beauté sombre immaculée, nullement entachée par ce tout petit film, trop insignifiant pour lui faire aucune ombre.

Créée

le 11 août 2014

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