Lionel,modeste employé de bureau dont l'épouse est enceinte,croule sous les dettes et le couple risque d'être expulsé de son appartement.Il a alors l'idée de kidnapper le bébé d'un richissime homme d'affaires du voisinage et d'exiger une rançon,mais rien ne va fonctionner comme prévu.Jean-Pierre Mocky réunit ici la même équipe technique et une bonne partie de la distribution du film qu'il tournera dans la foulée,"Le renard jaune",notamment Vladimir Cosma à la musique,Jean-Paul Sergent à la photo,Antoine Delelis qui est assistant à la réalisation et au montage,Laurent Biras à la régie,ces deux derniers tenant en plus des petits rôles car il faut tout faire chez Mocky,le roi de la combine et du bricolage.D'ailleurs le Maître cumule les fonctions de réalisateur,producteur,scénariste et monteur.Le film souffre de certains défauts identiques à celui qui suivra,à l'exemple des ritournelles pas terribles de Cosma,qui sont cependant moins pénibles ici,ou de l'image crue,totalement dépourvue de grain,genre script-reality ou DTV ricains.Du reste,"Dors mon lapin" est sorti directement en vidéo.C'était l'époque où Mocky,toujours à la recherche de solutions financières,découvrait les vertus de cette forme d'exploitation et croyait pouvoir y trouver son salut.On peut regretter aussi des placements de produits pas très discrets,JP le gauchiste pourfendeur du capitalisme prédateur n'hésitant pas à mettre des marques en avant et valorisant ainsi Leclerc,La Grande Récré,BFM TV ou France 24,mais business is business.Ceci dit,le film est plutôt bon,le cinéaste ayant cette fois pris la peine d'écrire un scénario qui tient la route et d'installer une mise en scène solide.Il faut dire qu'il s'est adjoint les services de l'excellent André Ruellan,scénariste de talent qui a écrit les dialogues.En résulte une histoire cohérente,imaginative,bien racontée et bien filmée,loin du bâclage qui est trop souvent présent chez Mocky.Sur le fond,l'auteur pointe,mais sans lourdeur pour une fois,les tares de la société moderne,dénonçant les dérives liées à l'argent-roi,la paupérisation des classes moyennes et populaires,les inégalités sociales,les humiliations,la violence et le racisme ordinaire.Mais il stigmatise également la bêtise et la soumission au discours médiatique d'une population facilement manipulable.Tout cela est raconté d'une manière humoristique,au gré des mésaventures d'un héros maladroit et malchanceux qui accumule les erreurs et galère entre soins au nourrisson et remises de rançon manquées,la narration montrant en parallèle l'avancée des investigations d'un policier jovial et cynique.L'intrigue rebondit sans cesse,Mocky,utilisant opportunément la profondeur de champ et les enchaînements fluides, multipliant les décors et les personnages au fil de saynètes drôlatiques réussies mettant en évidence son habituelle galerie de trognes bizarres.Et puis,rompant avec cette ambiance humoristique,la fin prendra un tour tragique inattendu mais logique,ce refus du happy-end étant en phase avec la réalité.Le réalisateur s'auto-cite au passage.On voit ainsi sur un kiosque une affiche d'un de ses films,"Le piège à cons",qui est du reste anachronique,l'oeuvre datant de 1979,tandis qu'on a des personnages ordinaires que l'horreur économique amène au crime,comme les cambrioleurs dans "Le pactole",ou une fille qui passe sous le bureau pour sucer comme dans "Y a-t-il un français dans la salle?".Parmi les acteurs qu'on retrouvera dans "Le renard jaune",il y a,outre Biras et Delelis,Frédéric Diefenthal,Richard Bohringer,Jean Abeillé,Renaud Bouchery ou Raphaël Scheer.Mais il y a aussi Sarah Biasini,beaucoup moins belle et moins douée que sa maman Romy Schneider,la jeune Sandy Besse qui nous gratifie du spectacle de sa magnifique poitrine dans une scène topless,le vétéran Jean-Pierre Clami,Jennifer Dubourg,la barmaid du feuilleton "Un si grand soleil",l'écrivain et journaliste cinématographique Noël Simsolo,Pauline Devi,la présentatrice de l'émission de courts-métrages "Histoires courtes" sur France 2,et Emmanuel Nakach,un comédien souvent utilisé par Mocky dans ses derniers films.Le bébé,Maxence Boulmé,est très bon et Mocky s'est parait-il parfaitement entendu avec lui,malgré qu'il soit toujours difficile de travailler avec des enfants.Diefenthal,en grande forme,porte le film et transcrit parfaitement les états d'âme d'un personnage soumis à des pressions énormes et dépassé par les évènements,alors que Bohringer apporte un formidable contrepoint,tout en gouaille et décontraction malgré la gravité du contexte.Abeillé et Clami sont de vieux grognards du Mocky Show,tous deux ayant débuté avec JPM,le premier en 72 dans "Chut!" et le second en 79 dans "Le piège à cons".

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le 14 mars 2020

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