Je n’ai pas vu les précédents films de Dominik Moll, dont le fameux « La Nuit du 12 ». Pitch et bande-annonce m’avaient donné une impression de téléfilm France 2 : effrayant pour la ménagère, lisse pour les subventions.
Nombre d’éloges auraient pu m’amener à m’y risquer. Mais, trop de fois confronté à la déception post-tentation de ces critiques SensCritique exaltant des productions pour leur inscription dans l’ère du temps, cela avait provoqué en moi une aversion, un mécanisme d’auto-défense où chaque dithyrambe consolidait un peu plus mon pré-avis, jusqu’au préavis auquel « La Nuit du 12 » n’aurait su échapper.
Je devais repartir neutre, vierge de tout doute, de toute impression, de toute attente. Alors, quel ne fut pas mon plaisir de découvrir en avant-première le nouveau film de Dominik Moll, dont je n’ai eu vent qu’à son commencement. Malheureusement, le plaisir se changea peu à peu en déplaisir tant mes précédentes préoccupations trouvaient résonance tout au fil de ce métrage.
Déjà, je salue Dominik Moll pour ne pas avoir alourdi son récit d’un excès de pathos (je viens de voir Task : horrible) afin de tenir le fil du réalisme. Malheureusement, ce réalisme est franchement mis à mal par le jeu d’acteurs. Car oui, à part Léa Drucker, le gamin, les parents et, assurément, le chat, on est dans de l’acting téléfilm. Heureusement, c’est plutôt bien monté, les événements s’enchaînent sans pause, la contemplation ne trouve sa place qu’à la toute fin du récit et de fines touches d’humour viennent chasser l’ennui de ces deux heures de visionnage.
Mais cela ne suffit pas. Car s’il n’y a pas tant d’ennui, il n’y a pas plus d’envie. Ni dans l’enquête, dont on sait d’avance, faute d’un propos qui pointe toujours dans le même sens, le dénouement. Ni chez les protagonistes, lassants, tant l’effort pour les rendre réels les rend convenus. Ni dans les dialogues, qui relèvent trop souvent de la volonté de Moll de nous rabâcher son propos que de nous faire assister à un véritable échange. Et encore moins pour son propos totalement inconséquent, tant Moll ne fait qu’enfoncer des portes ouvertes. Il ne cherche pas à dénoncer ; ce qui est dit est simpliste et tout à fait dans l’air du temps. Il cherche l’indignation, qui plus est chez ceux déjà indignés (plus facile). Car c’est dans la facilité qu’il choisit de construire son récit et son discours, en exploitant un cas paroxystique de violence policière, sans jamais se risquer à l’ambivalence, au doute, ni même au suspense d’un dénouement qui nuirait à un propos jusqu’alors matraqué.
Même si je n’ai pas vu le temps passer, j’ai senti certaines scènes me peser. Particulièrement cette séquence de course-poursuite de l’enquêtrice dépressive à la recherche de sa preuve. Il n’y a aucune tension, aucun cinéma : cela sonne faux, on sort du film pour se retrouver face à Moll qui nous explique d’un air mielleux à quel point les gens de quartier, racisés, méprisés, mis de côté, n’ont plus aucune confiance envers les forces de l’ordre. Quelle lourdeur…
Sans le vouloir (je suppose), il réalise un film médiatique, car il porte tous les attraits d’un reportage télévisé de grande écoute : sujet coup de poing, dénonciation en haut lieu, images choc, réalisme à couper le souffle ; marketing huilé du business de l’indignation qui tronque son information et ses nuances dans une pseudo-dénonciation qui n’est qu’un réconfort intellectuel pour ressentissants. Aussi inconséquent et réconfortant que ses vidéos de chats mignons qu’il semble tant apprécier.
Si les sujets de ce film vous intéressent, je vous conseille plutôt la mini-série espagnole « Antidisturbios », qui gagnerait à être connue.