Je sors à l’instant du film, je suis encore en train de digérer.
Ce qui est certain, c’est que je ne me suis pas ennuyé une seule seconde : j’ai été pris dedans du début à la fin. Maintenant, il faut que je détermine ce que je pense du fond et de la forme.
Déjà je trouve très intéressant que la famille de la victime soit de la même ville que l’enquêtrice : ça donne encore plus de sens au dernier dialogue. Ça montre que les biais humains sont inévitables, d’un côté comme de l’autre dans le cadre de Stéphanie qui est à la fois policière et a la fois originaire de la même ville que la victime.
Même si la victime et l'enquêtrice ne venaient pas du même endroit, on pourrait toujours trouver d’autres biais : l’âge du fils (similaire à l'âge du fils de l’enquêtrice), et tout un tas d'autres projections qu’on fait inconsciemment… bref, le film le dit très bien : les biais existent partout et chez tout le monde. Ce n’est pas un défaut, c’est humain, mais ça permet parfois d’artificiellement discréditer une personne, une enquête (comme le fait la supérieure de Léa Drucker).
Concernant Léa Drucker : elle joue très bien, mais le problème est que la mise en scène lui impose un jeu presque tout le temps froid, droit, “sous contrôle”, et que tout ce qui pourrait passer par l’émotion devient trop subtil, trop robotique.
On sent qu’elle ressent des choses intérieurement mais extérieurement c’est comme si tout était filtré, retenu, encore une fois robotique ; elle a un jeu qui n'est pas assez humain je trouve. Les termes que j'utilise sont trop forts mais pour moi il manque quelques scènes où l’on verrait plus clairement le doute, l’épuisement, la conviction, le désespoir. Bref, le film la bride trop émotionnellement.
Sur le fond, je trouve que le film est clairement anti-système. Pas forcément anti-flic en mode “caricature” (mais si on ne prend que les images sans paroles, je pense qu'on pourrait le qualifier d'anti-flic)
En tout cas, en termes d’images, on voit surtout :
-des mensonges de la part des policiers interrogés dans le cadre de l'affaire du flashball,
-les dérapages des policiers,
-les collègues qui ne soutiennent pas l'enquête de l’IGPN,
-les flics qui empêchent les gens de sortir des zones et donc de protéger les citoyens ayant le droit de manifester sans faire de grabuge…
À l’inverse, on ne voit pas vraiment ce que les policiers subissent sur le terrain : la pression, l’épuisement, la peur, la confusion, le manque de préparation, d'ordre claires. C’est dit, mais ce n’est pas montré. Enfin si, dans la première scène, où l'on voit brièvement un policier qu'on pourrait qualifier d'exemplaire craquer en lançant un pavé. Mais après, ça disparaît presque complètement. Je trouve que le film aurait gagné à équilibrer un peu plus les trois faces entre policiers / gilets jaunes / enquête.
Ça aurait permis d'appuyer encore un peu le côté anti-système du film, même si ce côté est énormément mis en avant via :
-les citoyens qui n’osent pas dénoncer les abus des flics parce que “la parole d’un flic vaut plus que la leur" et les flics ont très peu de sanctions.
-le policier honnête du début semble se retrouver plus sanctionné que les deux autres ayant provoqué des blessures graves,
-les chefs de l’IGPN ne cherchent pas la vérité mais seulement à ne pas faire de vagues.
Bref, tout le monde semble détester l’IGPN : syndicats, policiers, supérieurs, même certains citoyens…
Stéphanie, au centre, se retrouve littéralement seule contre tous.
Je ne comprenais pas pourquoi Léa Drucker était avec un chat, mais je pense que ça résume tout le film :
Donc concernant le chat derrière la grille qu’elle recueille :
-elle ne sait pas comment il est arrivé là, il est seul, coincé, dépendant et elle, elle décide de l'en sortir et de l'aider.
Mais dans la propre vie de stephanie, personne ne vient l’aider alors qu'elle est aussi coincé derrière une grille :
-Sa famille la critique, son fils cache la profession de ses parents, son ex et sa nouvelle compagne sont contre elle, la famille de la victime estime que son travail “ne sert à rien” car il n'y a pas de sanctions des responsables, ses collègues songent à partir de ce métier, sa hiérarchie lui indique que s’il y a un procès elle ne la soutiendra pas...
Bref, elle est enfermée dans son enquête exactement comme le chat est enfermé derrière la grille, et personne ne vient l’en sortir.
La réalisation est très sobre : pas d’esbroufe, pas d’effets, pas de grande musique. C’est réaliste, presque documentaire mais du coup ça manque parfois d’un peu de souffle, d’un peu d’ampleur. C’est efficace, mais froid ; c’est pro mais parfois trop clinique. La filature dans le supermarché n’est pas dingue, celle dans le métro un peu mieux mais pas ouf non plus.
Au final :
J'ai trouvé le film prenant, pertinent, mais un peu trop froid visuellement et émotionnellement trop bridé dans ces deux domaines.
Pour moi : 6,5/10 ou 7/10.