Un film sur l’insurrection française la plus marquante du 21e siècle ; apparemment pas suffisamment marquante pour qu’on s’étende vraiment sur celles et ceux qui l’ont menée, mais après tout ce n’est pas le sujet principal du film. Dans Dossier 137, on suit Stéphanie (flic à l’IGPN aka “la police des polices”) dans une affaire survenue un soir de manifestation des Gilets Jaunes. Un jeune de 20 ans (Guillaume) a été lourdement blessé à la tête le 8 décembre 2018 à Paris, rue Magellan ; Stéphanie doit découvrir ce qu’il s’est passé, et qui sont les policiers responsables.
Le sujet du film, c’est donc le système policier, son fonctionnement, et surtout ses dysfonctionnements. Dans une période où la police est détestée par les individus qu’elle est censée protéger, qu’est-ce que signifie vraiment le métier de flic ? Dans ce système-là, est-il encore possible d’être un “bon flic” ? En s’opposant à ses collègues, Stéphanie essaie de prouver que oui, mais face à une institution en croisade pour la préservation de son image, le combat semble vain.
Le film a l'air de plaire, pour moi c'est un grand bof-bof.
Une grosse partie des dialogues sonnent faux. Je ne sais pas si c’est dû au jeu des acteurs, mais même Léa Drucker, pas réputée pour jouer comme une chaussette, délivre son texte avec un automatisme robotique, comme si elle le récitait. Je trouve son jeu très inexpressif, pas très naturel. Par exemple, au moment où son fils Victor évoque la très mauvaise réputation de la police, on pourrait avoir une scène charnière du film : d’un côté l’image dégradée de la police vue par le fils et la société, de l’autre la lutte acharnée de la mère pour soigner cette institution malade, quitte à se dresser contre son camp. Au lieu de ça, on a une Léa Drucker qui semble… surprise (??) ou pas vraiment (??), et qui balaye d’un revers de la main cette question pourtant primordiale de Victor : si le rôle de la police est de protéger la population, alors pourquoi tout le monde déteste la police ? Réponse résumée de l’intéressée – qui semble-t-il ne l’est pas tant – : « Tu exagères, c’est pas vraiment TOUT le monde. C’est comme ça, c’est pas un métier où on se fait que des copains… Allez bonne nuit ! ». Le summum niveau dialogues ce sont les conversations au téléphone entre Stéphanie et le substitut : elles sont affreuses, les échanges sont poussifs, pas naturels. Bref c'est un malaise que j'ai ressenti tout au long du film, pour moi c’est le gros point noir de Dossier 137 ; à cause des dialogues et du jeu je ne suis jamais rentré dedans, je n’y croyais pas du tout.
Que ce soit en termes de rythme ou de propos, j’ai trouvé le film très mou. Question rythme, je mets ça encore une fois sur le compte des dialogues qui manquaient cruellement de fluidité. Question propos, tout ce qu’on retrouve ce sont quelques revendications de Gilets Jaunes, une petite dénonciation du système policier qui se protège lui-même, et une grossière métaphore du (non) sens de cette lutte pour la justice dans une institution vérolée (je fais référence au doom-scrolling de vidéos de chats, mais franchement je veux pas en parler plus, ça se veut subversif pour au final être bien réac', je HAIS l’idée). En revanche, pour rester sur l’usage du format vertical, j’ai bien aimé suivre le déroulement de la manifestation à travers le téléphone de Rémi (ami de Guillaume et seul témoin de la scène). J’avais peur de devoir assister à un interrogatoire cliché (jeune incarcéré en colère VS good cop/bad cop, on connaît) mais heureusement cette bonne idée a permis d’éviter ça (pas totalement en réalité, mais passons).
Comme le film, je vais finir sur du positif : Dossier 137 a la bonne idée de se clore par le témoignage de Guillaume, handicapé à vie par le tir de LBD qu’il a reçu dans la tête. La mise en scène est sobre, épurée, seulement Côme Peronnet qui raconte cette agression perpétrée par une police barbare et mythomane. C’est poignant. Pourtant cette histoire on l’a entendue et comprise au fur et à mesure que l’enquête s’éclaircissait, mais quand c’est la victime – dont on remarque aisément les séquelles esthétiques et neuronales – qui relate cette agression, ça fout un sacré coup au cœur, l’ambiance pesante n’aidant pas. L’honnêteté m’impose d’évoquer le cut de bûcheron en plein milieu de la scène, mais j’en reste là pour ne pas entacher cette dernière impression. Pour terminer, le film balance les images de Guillaume tout heureux et chantant dans la voiture avec le reste de sa famille, quelques heures avant de se faire défigurer. On pourrait dire que c’est un poil tire-larme, mais c’est le jeu, j’ai rien à redire là-dessus. Ça fait son effet : quand le générique de fin défile, quelques minutes sont nécessaires pour reprendre ses esprits.
Aussi, je trouve que Dossier 137 met en lumière la posture délicate des membres de l'IGPN. Traître à leur origine sociale parce que dans le police (et donc rangée du côté de l'État), mais également traître à la police (car menaçant pour les collègues). Entre deux camps, jamais gratifiée dans son acharnement, toujours considérée comme néfaste ou au mieux inutile, Stéphanie s'en prend plein la tronche. Et même quand on aime pas la police c'est dur de la voir sombrer peu à peu, jusqu'à se demander ce qu'on se demande tous : toute cette enquête, à quoi a-t-elle servi ?