Dounia et la princesse d'Alep
6.7
Dounia et la princesse d'Alep

Long-métrage d'animation de Marya Zarif et André Kadi (2022)

Il y a des sujets comme l’immigration qui, lorsqu'on les voit traité dans un film d'animation, nous font craindre un énième film se voulant original et subversif à traiter d'un sujet de société pour les enfants, comme si l'animation à elle seule pouvait expliquer les conflits du Moyen-Orient à un enfant d'à peine 5 ans. Des films comme Parvana une enfance en Afghanistan ou encore La traversée sont des films où j'ai eu beaucoup de mal à cause d'une manière trop brut qu'ils avaient de traiter des sujets d'actualités, rendant le tout assez indigeste scénaristiquement parlant. Du coup voir que Dounia et la princesse d'Alep, sélectionné au festival du film d'animation d'Annecy, allait traiter de la guerre civile en Syrie... ça donnait absolument pas envi. Malgré tout, je me suis laissé tenté par le côté conte et enfantin du film qui, sur un malentendu, pouvait donner une note de légèreté à un film au sujet lourd. Mais du coup, pour quel résultat ?


Ce qui est notable dans Dounia et la princesse d'Alep, c'est que le film assume un côté enfantin malgré son sujet. Le scénario est construit comme un conte autour du personnage de Dounia, qui essaye tant bien que mal de vivre dans le bonheur, malgré sa situation. Plus qu'un récit se reposant sur son contexte politique et sociale, c'est avant tout le récit d'une enfant qui va devoir, à la manière de Dora l'exploratrice sous plein d'aspect, trouver des solutions aux problèmes qui s'opposent à elle. Cependant, vu qu'on s'intéresse plus à Dounia qu'à la situation géo-politique en Syrie, cela ne vient jamais au détriment d'un regard humanitaire sur la situation. On sent que le film cherche à recentrer, son récit sur l'enfance de Dounia et sur les personnages qui gravitent autour d'elle, plus que sur un récit, pouvant être lourd, cherchant à généraliser sur une cause universelle qui nous toucherait moins. L'universalité vient par une identification au personnage de Dounia et aux personnages qui peuplent le récit. Le tout est très bien rendu à travers des graphismes, sans doute tiré de la bande dessiné originel, qui donnent un côté cartoon et pop qui amène le film à être lu dans une lecture enfantine. On est alors face à un film qui cherche un bon compromis entre le film pour enfant et le film politique. C'est dansant, coloré, très beau visuellement, et on a tout pour passer un plutôt bon moment.


Le problème de Dounia et la princesse d'Alep est qu'à aucun moment on ne croit à ce qu'on voit, et à aucun moment on arrive à être émotionnellement impacté. Déjà d'un point de vue formelle et technique, le film devient par moment éprouvant à suivre tant le doublage est médiocre. On sent une volonté d'orientalisation de l'univers afin que le territoire Syrien soit source de curiosité et d'inspiration. Malheureusement cet orientalisme prend trop le pas sur la sincérité quasi documentaire du récit. On veut rendre la vie en Syrie magique et fantaisiste avec ses coutumes et ses richesses, mais par soucis de bien faire, on va appuyer les traits pour qu'on ne puisse pas les louper. Ce qui fait que le premier tiers du film, introduisant la mythologie du récit et le quotidien de Dounia, est très lourd et peu intéressant tant il appuie de manière insistante des éléments qui apportait déjà un exotisme naturel. La confection de pâtisserie traditionnels passe de curiosité à produit de consommation, et les coutumes Syriennes deviennent du divertissement un peu bas de plafond. Le tout est renforcé par un doublage vraiment pas fin qui met en avant les accents outre mesure, et rend parfois le texte incompréhensible. Mais plus que la manière qu'a le film de traiter de son univers et de ses thématiques, c'est bel et bien son récit en lui même qui a un profond problème, que ce soit de ton ou de construction. On nous introduit tout une mythologie avec notamment le mythe de la reine d'Alep, une enfant qui, très jeune, doit voir partir ses parents (de différentes manières), mais en même temps, on a un récit et un ton tellement enfantin que cela brise tout enjeux émotionnel. Si je comparais le récit du film à Dora l'exploratrice ce n'est pas par hasard, car le film semble reprendre, même dans sa structure narrative, le schéma des épisodes de Dora. On retrouvera un ami fantastique parlant, sous les traits de cailloux parlant, et le film est construit de tel manière que Dounia sera confronter à des problèmes de manière épisodique, qui seront réglés en un clin d’œil, brisant tout enjeux ou toute notion de la difficulté. Au début du film, Dounia va récupérer différents objets dans son voyage, notamment des graines de son marchand d'épice (initialement prévu pour cuisiner) qui vont étrangement beaucoup l'aider dans sa quête, parfois de manière absurde. On a alors un paradoxe qui se créé entre une volonté de tenir un propos sérieux sur un sujet d'actualité, et une trop grande légèreté de ton qui n'amène pas tant à l'interprétation

On rappelle que les graines de Dounia, qui devait servir qu'à la cuisine et à l’assaisonnement d'une recette, a permis de neutraliser des gardes frontières, et à lui offrir une maison au Québec grâce aux relations internationales des pigeons parisiens et des albatros de l'océan Atlantique. Comment voulez vous qu'on puisse interpréter quoi que ce soit lorsque ton scénario est aussi bas de plafond en terme de résolution ?

Le film est inoffensif. On n'a pas tant envi de le détester car s'adressant à un très jeune public, mais de l'autre côté, le film est pas assez singulier et pertinent pour raconter quoi que ce soit d'intéressant. On sent un récit extrêmement maladroit et puéril, ne semblant pas comprendre l'entièreté des enjeux qui se jouent dans son récit, et devient presque profiteur et malhonnête lorsque le film affiche un carton en fin de film en hommage aux immigrant Syrien combattant pour leurs vies, alors qu'à aucun moment le film ne cherche à se confronter à ces problématiques. Le film s'adresse à un public n'ayant pas l'âge ni le recul pour comprendre quoi que ce soit. Les adultes se retrouveront très en dehors, et les enfants ne pourront pas trouver grand chose s'ils sont trop grand pour la tranche d'âge visé par le film... qui n'est pas très grande.


8,5/20


N’hésitez pas à partager votre avis et le défendre, qu'il soit objectif ou non. De mon côté, je le respecterai s'il est en désaccord avec le miens, mais je le respecterai encore plus si vous, de votre côté, vous respectez mon avis.

Youdidi
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le 7 févr. 2023

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Youdidi

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