J'appréhendais énormément le moment où j'allais voir ce film. Pourquoi ? Parce que les notes sont dithyrambiques : il est classé numéro 1 du top 111. La force du film repose sur son huis clos. Je ne suis pas le premier à le dire donc je ne m'y attarde pas.
La base critique, en revanche, m'a déplu. Je ne parle pas de ce qui se rattache à la peine de mort, le film est pamphlet efficace à ce niveau. Non, c'est la dénonciation de l'établissement des préjugés, qui, selon moi, est pauvre. Sur cette base-là, j'ai trouvé que c'était parfois évident et même aussi cliché que ce que le scénario tend à déconstruire.
Malheureusement, je n'ai pas tout aimé de Douze hommes en colère et le scénario, par quelques de ses travers, est un de ces éléments.
J'ai trouvé le jeu des coïncidences un peu fort et surfait. Les lunettes de la femme - principal témoin - ne participent qu'à une simple supposition. Le couteau, surtout, trouvé dans le quartier du jeune accusé, le disculpe immédiatement. Si on regarde les faits, à juste titre pour une assemblée délibératoire, ce n'est là qu'un hasard miraculeux, tel un cheveu tombé sur la soupe. Je n'y ai pas cru et c'était pour moi facile.
L'autre chose qui m'a vraiment déplu, et même agacé, c'est l'opposition manichéenne entre les jurés. À la base, ce sont des "colères" qui sont censés s'adoucir pour se rallier en une et une seule critique collective, en un seul jugement, en somme. Là, on nous propose une assemblée morale où chacun défend ses convictions mais aussi ses préjugés. Et bien sûr, en ressortent des personnages présentés comme irrespectueux, colériques ; de méchants personnages. Soit, il y a les méchants contre les gentils. Schématisé comme cela, vous me direz, c'est passer à côté du film. Et bien non : il y a les disputes, les retournements de veste d'un instant et, le paroxysme du scénario, la fin. Quand le dernier homme change d'avis et vote "non-coupable", c'est par un affect particulier et aussi parce que tous les autres font pression sur lui. Quand Henry Fonda défendait, seul, son point de vue, il était incompris mais vertueux - puisqu'il est le personnage principal du film et celui qui les convainc tous. En revanche, quand son opposant est le dernier à voter "coupable", tout le monde est contre lui. Son avis est remis en jeu parce que sa personne l'est tout autant... La fin enlève de son tragique et de sa force à l'ensemble. On tombe dans un pathos personnel qui n'est pas le propos de Douze hommes en colère. D'autant plus qu'on suggère un parallèle douteux entre la pensée de l'homme pour son fils qui l'ignore et le présumé coupable...
Bref, j'ai trop ressenti ce revers manichéen et c'est pour cela que je donne une note juste, correspondant à mon point de vue général et décontextualisé de tous les éloges présents sur ce site.
Je ne dis pas que je n'ai pas apprécié Douze hommes en colère, loin de là. Pour moi, c'est un tour de maître d'avoir réussi à peindre cette ambiance en huis clos, sans jamais s'écarter de ce principe. Les acteurs sont excellents également. En soi, j'ai passé un bon moment, avec cependant des réserves tenaces.
Bien sûr, je suis ouvert à la critique et aux reprises. Sinon quel intérêt d'en parler ici-même ?
Jyuuu
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le 19 janv. 2012

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Jyuuu

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