Et pour ce soir :
12 Hommes en Colère, 1957, de Sidney Lumet, Avec Henry Fonda dans le rôle du juré N°8, l'architecte.
Synopsis étouffant : Une après-midi d'été étouffante, 12 hommes sont réunis pour déterminer la culpabilité ou non d'un jeune qui aurai commis un parricide. A la clé, la chaise électrique ou la liberté. Dans la chaleur moite d'une salle où la ventilation ne marche pas, tout le monde semble convaincu de la culpabilité de ce jeune. Sauf un. Il ne pense pas qu'il est innocent, mais plutôt qu'il a un doute et que ce doute mérite une discussion. Sous la moiteur et l'échauffement des esprits, chacun va se dévoiler à travers cette affaire, entre ses préjugés, l'envie de faire autre chose, son expériences et ses certitudes. Une seule chose importe : Est-on absolument sûr que ce jeune a tué son père ?
Cinéma classique engagé, Henry Fonda ne s'était pas trompé en voulant travailler avec Sidney Lumet. Dans les années 50, il sortait justement de façon assez prémonitoire de Faux Coupable d'Alfred Hitchcock où il devait prouver son innocence face un système judiciaire borné. A l'origine, 12 Hommes en Colère était un téléfilm qu'il avait vu en projection et qu'il avait adoré autant qu'il avait été passionné par son sujet. Riche d'une forte aura de grand acteur, il choisi d'être acteur et producteur pour ce film. Il a le grand choix des réalisateurs mais finit par porter son dévolu sur Sidney Lumet, un inconnu du cinéma mais qui a pas mal travaillé à la télévision et qui vient du théâtre. Le film étant un huit-clos, c'est une excellente qualité.
Petit budget de 340 000$, tournage de 17 jours, avec un acteur de légendes, des acteurs secondaires chevronnés ainsi que des novices, un réalisateur qui travaille sur son premier film, le pari est risqué. Mais le nom de Fonda fait penser que ça sera un grand succès. Manque de bol, ça n'est pas le cas, le film n'aura pas le succès escompté et c'est la cérémonie des Oscars (3 nominations) ainsi qu'aux Golden Globes (4 nominations), et la défense extrêmement forte d'Eleanor Roosevelt, veuve du président du même nom qui va permettre au film d'obtenir une seconde vie et le statut de film culte. Il va aussi lancer Sidney Lumet, grand réalisateur s'il en est, avec cette passion puissante sur la justice et la puissance de vie ou de mort de ceux qui nous protègent, à travers la police et sa corruption, ses avocats...
Et mon avis sur ce film dans tout ça ? Eh bien, c'est clairement un chef-d'oeuvre. Si certains détails d'interprétations donnent un aspect vieilli (notamment au tout début, certains jeux d'acteurs sont un poil étrange à mes yeux), il est toujours incroyable de se rendre compte de l'intemporalité du sujet. Pendant 90 minutes, bloqué dans cette salle avec ce jury qui se bat entre leur devoir de citoyen et leurs préjugés, on suffoque nous aussi, on doute, on se met à croire à la possibilité que ce gamin soit innocent ou simplement qu'il y ait un doute important. La remise en question de la peine de mort, tacite, est d'autant plus forte. Il n'y a pas beaucoup d'effort à faire pour se remettre dans ce film en noir et blanc qui affiche déjà 60 ans au compteur, parce que plus que jamais, il semble d'actualité, tant on a tendance à oublier l'importance de l'Etat de droit face à l'émotion... Et l'interprétation d'Henry Fonda, toute en nuance, juste par le regard, est brillante et d'une très grande justesse !
12 Hommes en Colère n'est pas juste un film classique. C'est aussi un film didactique, un film engagé, un film d'actualité. Il fait parti de cette gamme de film qui m'ont fait rêver, avec Les 400 Coups de Truffaut, où l'aspect vieillot du noir et blanc et de la vieille pellicule cache un très grand moment de cinéma qui marque facilement. Pour ma part, je pense qu'en ces temps où l'ont se découvre des talents de juge, juré et bourreau, il convient de revoir ce genre de film pour se rappeler que la vie d'un homme, même coupable, mérite plus que 3 minutes et des clichés, ne serait-ce que pour prouver que notre État de Droit est plus fort que la barbarie des autres. Ou prendre simplement du recul sur les propos de personnes abjects qui utilisent nos peurs pour nous faire devenir comme ceux qui nous font peur. Par exemple, et par pur hasard, une blonde pas du tout subtile, issu du même moule que son tortionnaire de père et un poivre et sel affligeant de bêtise et de dangerosité...