Douze Hommes en colère, ou quand le doute est la manière la plus impartiale de rendre un jugement.
Douze jurés d’assise chargés de condamner à mort ou non un gamin de 18 ans accusé du meurtre de son père. Parmi eux, un seul se dresse afin de remettre en doute un procès dont l’issue paraissait courue d’avance.
Cet homme, c’est le juré n°8, le seul à déclarer le meurtrier présumé non coupable. Le film se concentre donc sur l’échange entre les jurés, et l’inversion progressive de la pensée majoritaire au sein des douze hommes, impulsée par ce fameux juré n°8.
L’efficacité du film réside dans sa capacité à remettre en question nos préconceptions sur la notion d’impartialité. On se figure assez souvent qu’il n’y a rien de plus objectif qu’une argumentation basée sur des preuves… mais encore faut-il être en mesure de prouver les preuves. Et ce n’est qu’en remontant le fil de cette manière qu’on peut émettre un jugement à la fin.
Tous ceux qui considèrent l’accusé coupable s’appuient sur des « preuves ». Mais on se rend surtout compte que ce sont leurs motivations personnelles qui les rendent si certains de ce qu’ils avancent. Quelques-uns suivent juste le mouvement : parfois car ils veulent juste en finir le plus vite possible, parfois parce qu’ils manquent tout bonnement d’esprit critique. Il y en a aussi qui sont plein d’aprioris sur la classe sociale du jeune accusé. Certains appliquent une logique cartésienne et sont donc convaincus qu’il est coupable car les preuves le disent. Enfin, on peut aussi avoir envie de se venger, car la situation à laquelle nous sommes confrontés nous rappelle à s’y méprendre notre vie.
On pourrait penser que justement, c’est le juré n°8 qui fait preuve d’une émotivité exacerbée, que c’est lui qui en fait une affaire personnelle pour défendre la veuve et l’orphelin.
Mais il n’en est rien. C’est en fait lui seul qui a compris ce qu’impliquait l’impartialité de la justice : le seul principe qu’il défend, c’est le doute raisonnable. Il ne déclare non-coupable pas parce qu’il peut le prouver, mais justement car il ne peut pas prouver que l’accusé est coupable.
Par des échanges mémorables qui donnent lieu à des scènes mythiques du cinéma, ce juré n°8 va mettre en lumière les limites de toutes les preuves du procès et donc instaurer un doute. Et s’il y a doute, on ne peut sciemment pas envoyer quelqu’un à la chaise électrique.
Il est bien sûr possible d’être sceptique face aux démonstrations des différents jurés, et notamment la démonstration finale… Mais s’attacher à ces détails, c’est, je pense, passer à côté du message principal du film, et de son objectif.
Enfin, alors que les débats sur la peine de mort refont surface, il est assez légitime de se demander si l’on est réellement capable d’assumer tous les questionnements que cela implique et surtout, si la société le sera un jour vraiment. Espérons qu’un juré n°8 traînera toujours dans les parages…