Au hasard de mes découvertes du catalogue de la Hammer je suis tombé sur ce film de Roy Ward Baker qui permet de se plonger dans l'ambiance du thriller victorien de la firme. Le prétexte est au départ une blague du scénariste Brian Clemens, traitée avec le plus grand sérieux. « J'ai toujours cherché à inverser le cliché. » Dr Jekyll et Sister Hyde affiche par ailleurs de loin et sans le vouloir la particularité d'être à la fois inclusif et transgenre, ce qui en ferait un film agréé par le Ministère de la Citoyenneté.


Whitechapel en 1888. Une femme seule dans la nuit. Surgit une ombre dans le brouillard. C'est Jack l'éventreur. On se doute de la suite...


Revenons en aux faits, et rien que les faits (légers spoilers). Le docteur Jekyll est un scientifique philanthrope qui est absorbé par ses recherches. A tel point qu'il repousse sans ménagements à plusieurs reprises sa jolie voisine qui s'intéresse à lui. Car rien ne compte pour lui si ce n'est sauver le monde...
Le docteur Jekyll se rend compte un jour qu'il ne vivra jamais assez vieux pour réussir à soigner toutes les maladies existantes et à venir. Il essaie donc de prolonger sa vie en faisant des expériences sur des mouches de laboratoire. Il réussit ainsi à transformer un sujet mâle en un sujet femelle qui vit plus longtemps. Ce qui lui donne la bonne idée antispéciste et transhumaniste de prendre exemple sur la mouche et de s'appliquer à lui-même un traitement à base d'hormones féminines.
Ce traitement réussit au-delà de ses espérances puisqu'il se transforme en une jeune et jolie femme qu'il appelle Hyde, en la faisant passer pour sa sœur ; et peut contempler longuement et avec satisfaction le résultat devant sa glace. Le problème qui se pose à lui est un problème d'approvisionnement. Il est obligé de se procurer les hormones à la morgue en prélevant des ovaires de sujets féminins jeunes venant de décéder. Mais les réserves de cadavres s'épuisent... Le docteur Jekyll va devenir un prédateur par la force des choses.


Victime de la pénurie, il se voit contraint de faire ses prélèvements du côté de Whitechapel sur des sujets vivants. Il est à noter que le film n'est pas gore, les meurtres sont suggérés seulement par des cris et des éclaboussures de sang sur les affiches. Pourchassé par la police après la diffusion de son signalement, Jekyll n'aura d'autre possibilité que de continuer son œuvre sous l'apparence de Sister Hyde. d'autant plus que la part féminine de sa personnalité prend progressivement le dessus. Comme prévu la police n'arrive toujours pas à coincer l'assassin. Qui irait rechercher un tueur en série ayant l'apparence d'une femme d'allure bourgeoise vêtue d'une robe rouge sang et coiffée d'une barrette comme Don Camillo ? Le cliché est bel et bien inversé.
Alors que Bruce Banner se transforme en Hulk quand il s'énerve, le Dr Jekyll se transforme en la diabolique Sister Hyde, qui se déchaîne la nuit avec son couteau. Ce franchissement de la barrière homme-femme et l'opposition avec les normes bourgeoises de l'époque permettent de faire de Jekyll - Hyde en quelque sorte un modèle qui préfigure les héro.ïne.s de la théorie queer à la mode aux States...


L'idée de génie de la Hammer est d'avoir choisi deux interprètes qui se ressemblent comme deux jumeaux.
Dr Jekyll est interprété par Ralph Bates, aucun rapport avec Norman Bates qui interprétera plus tard des rôles de Français pour la télé britannique. Sister Hyde est interprétée par la star de la maison Martine Beswick (ex James Bond Girl et vue dans El Chuncho) qui n'hésite pas à se montrer dans le plus simple appareil devant sa glace, pour les besoins de l'histoire.
Cette étude en ripperology évoque une femme, ce qui a été rarement proposé si ce n'est par Arthur Conan Doyle sous le nom de Jill the Ripper ou dans La Fille de Jack l’Éventreur toujours de la Hammer.
Grâce à Sister Hyde on a désormais une piste supplémentaire pour résoudre le plus célèbre cold case de l'histoire britannique : l'énigme de Jack.lin The Ripper.

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le 12 nov. 2021

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