Dracula
3.2
Dracula

Film de Dario Argento (2012)

J'y peux rien, c'est comme ça, j'ai beau savoir qu'Argento a passé sa propre date de péremption depuis à peu près seize ans, c'est comme un TOC, à chaque film, bien malgré moi, je recommence à y croire à moitié, à espérer une fulgurance, un éclair de génie au détour d'une scène, même au sein d'un film moisi, je m'arme d'indulgence, et je tente le coup. Et de temps en temps, cette attitude paie, comme pour le moyen mais portant néanmoins la griffe du réalisateur Do You Know Hitchcock ?, le pas complètement médiocre Non O Sonno, ou encore Jenifer, qui rattrape son manque de patte esthétique par son ambiance pesante toute en sensualité déviante.
Mais le reste du temps, je me sens comme un voyeur malgré lui qui contemple impuissant le naufrage artistique d'un artiste frappé de sénilité débilisante incapable de contrôler son sphincter, jouant avec sa propre merde en s'amusant à éclabousser la toile, un regard absent flottant dans un visage creusé fendu d'un sourire édenté.

Généralement, ces dernières années, l'espoir réussissait à survivre au premier quart d'heure du film. Là, dès le générique, un honteux traveling à travers un village en image de synthèse qui aurait fait tache dans un jeu loupé de la génération PS1, on sait.
Je ne reviendrai pas sur l'ampleur du massacre, l'avalanche de mauvais choix, les erreurs de casting, le fait que Dracula ait l'apparence et le charisme d'un banquier suisse, s'amuse à se transformer en bestiole plus pour la pose que par nécessité et maîtrise visiblement le kung-fu, que Jonathan ressemble à un ancien acteur porno italien au faciès refait et réussisse à être encore moins charismatique que Keenu Reeves, je suppose que ces aspects ont été abordé en détail sur le site et par la critique.
Je veux dire, le film est médiocre, point barre, et seuls les seins des actrices semblent en place, et représentent ce que le film a à offrir de plus beau.

Non, le point qui m'a poussé à écrire cette critique, qui m'a vraiment chagriné, c'est la pathétique tentative de la part d'Argento de renouer avec son propre cinéma, ces moments où j'ai recommencé à y croire, où je me suis senti enfin en territoire connu, familier. Douloureux car fugaces, et finalement vide de substance, ne valant que parce qu'ils réussissent vaguement à évoquer ce qu'a été l'oeuvre du maître et laissant entrevoir ce qu'aurait pu être ce film.
Mais là où dans Inferno, la narration sur le mode de la dérive onirique faisait mouche (à deux scènes près), ici, elle s'apparente à un patchwork d'erreurs de montage, donnant en permanence l'impression qu'il manque des bouts.
Là où la violence visuelle faisait crisser des dents dans la plupart de ses productions, ici, elle évoque une production Trauma, l'humour en moins.
Et par moment pourtant, quelques minutes durant, la magie visuelle opère, le temps d'un truchement de lumière sur la pierre d'une maisonnée, d'une symétrie évoquant la composition d'un tableau, d'un jeu d'éclairage croisé dont Argento avait fut un temps le secret, d'une ambiance chaude dans les profondeurs d'une bibliothèque fantasmatique.
Et c'est je n'arrive pas à trancher, je ne sais pas ce qui serait le plus pathétique, que ça soit l'oeuvre d'un assistant à la direction fan du travail du maître décrépi, un réflexe conditionné d'un cinéaste gâteux, ou une tentative de rappeler au spectateur que quand même, c'est Dario Argento, quoi, faudrait pas l'oublier!

Toujours est-il que ces mini fulgurence se détachant du reste par leur maniérisme et brillant plus par leur absence de médiocrité que par leur qualité intrinsèque, ne sont que des échos fantomatiques, des résonances creuses ayant traversé les âges, provenant d'une époque bénie où le réalisateur était habité par une réelle vision, n'était pas réduit à se singer lui-même sur un mode mécaniste.
Et ces images ne parviennent qu'à illustrer le gouffre entre ce qu'est capable de faire Argento aujourd'hui et ce qu'il a offert au cinéma au faîte de sa gloire, tant elles sont isolée dans un ensemble grotesque, sans lien entre elles.

Restent un personnage féminin bien écrit, une bibliothèque évoquant celle d'Inferno (ou plutôt ses sous-sols), des images de synthèse effroyablement ridicules et mal à propos (pourquoi, POURQUOI la mante religieuse ?!! Le générique ?!!), une provoc' qui tient du gimmick en dénudant et malmenant sa fille à l'écran (qui a ici le charisme d'une chaussette même pas sale, un comble lorsqu'on sait ce dont Asia Argento est capable et qu'on se souvient de sa performance dans le contesté mais pourtant très bon Syndrôme de Stendhal), et une magnifique paire de seins.
Et quelque part, le fait qu'il en soit venu à montrer des corps dénudés pour appâter le chaland est un aveu d'échec, lui qui a longtemps réussi à manier l'érotisme, la sensualité et la perversion sans avoir à montrer le moindre bout de fesse.
Apparition de la chair, disparition du mystère, mort du désir.
toma_uberwenig
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le 1 déc. 2013

Modifiée

le 1 déc. 2013

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toma Uberwenig

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