Doit-on y voir une métaphore du scorpion, l'animal cousu sur le blouson aluminé du héros dans Drive ? Tout dans le film est structuré comme une attaque de l'animal : une attente, une puissance endormie, qui se révèle avec fulgurance. La piqûre abat en quelques secondes sa proie. Lorsqu'à un moment, dans le film, le personnage est submergé par la haine, la caméra montre l'arrière de son blouson : la respiration fait bouger le motif de façon à laisser penser que la bête s'est réveillée.


Drive n'est pas un film d'action, encore moins un film de voiture ou de courses poursuites. Contemplatif, la mise en scène travaille ce personnage - un héros sans nom - pour le réduire, derrière une coupe de cheveux impeccable, à cet être sauvage où semble surgir une violence - une barbarie - incontrôlée. De façon systématique, le film montre ces états latents de calme, de sang froid, de puissance (dans le sens masculin du terme) endormie. La première course du film montre cela en renversant les codes du genre. La scène du parking, et l'attente de 4 minutes à bord de la Ford Mustang - elle-même exprimant idéalement par ses lignes cette masculinité et cette violence intense (et filmée ainsi) - témoigne de cette volonté, sous l'hypnotique morceau Chromatics. Cela, avant d'assister à une scène d'action aussi courte que terriblement brutale.


Le personnage, placide, animé par son désir de vengeance et son souhait protecteur, semble a priori inaccessible. C'est toute la mise en scène du réalisateur qui le fait parler, que ce soit dans l'irréelle scène de l'ascenseur ou avec des effets de répétition : souvent filmé de profil dans sa voiture, on le voit petit à petit céder à la pression, quand il passe sa main sur son visage, exténué, pour la première fois, alors qu'il était toujours placide. En contrepoint à la violence éphémère mais exacerbée du film, les sentiments sont montrés avec une pudeur tout aussi extrême, ce qui ne gâche rien à l'impact.


Surtout, c'est la transformation progressive du héros qui montre sa dégradation psychologique. Son blouson devient progressivement maculé de sang et, pour satisfaire une suite de crimes, il enfile son masque, passant de placide à plastique, un automate programmé, inarrêtable, pour cacher ses tremblements intérieurs.


Voilà, peut-être, la réponse aux paroles du thème principal : "There's something inside you, it's hard to explain".

numerimaniac
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Top 10 Films et Les plus belles claques esthétiques

Créée

le 15 oct. 2011

Critique lue 1.5K fois

14 j'aime

2 commentaires

numerimaniac

Écrit par

Critique lue 1.5K fois

14
2

D'autres avis sur Drive

Drive
Knikov
2

J'ai du rater quelque chose

Non mais c'est une blague ? C'est quoi cette presse unanime ? ce prix de mise en scène ? On a vu le même film ? Alors certes, ce n'est pas MAL fait. Mais j'ai l'impression d'être a des kilomètres du...

le 6 oct. 2011

252 j'aime

197

Drive
drélium
5

Dry

Une masse du public en extase, une presse dithyrambique, une moyenne SC indolente, un paquet d'éclaireurs divers et variés quasi unanimes en 8 et 9. Même le projectionniste avant la séance me sort un...

le 12 oct. 2011

203 j'aime

86

Drive
GagReathle
8

You're driving me crazy

Lors de mon premier bout de chemin avec Drive, je n'avais pas été totalement satisfait du voyage. Malgré de sérieux arguments, il n'avait pas su me conduire au septième ciel. Pourtant, au départ,...

le 26 mars 2014

184 j'aime

35

Du même critique

Splice
numerimaniac
7

Uncanny Valley volontaire

Splice a pas mal de défauts de réalisation, comme des acteurs qui semblent désincarnés (Brody, qu'est-ce qui t'arrive?), des scènes aussi clichées qu'attendues ou des éléments scientifiques...

le 10 nov. 2010

52 j'aime

10

De l'inégalité parmi les sociétés
numerimaniac
9

Réponse à une question essentielle

De l'inégalité parmi les sociétés, en Anglais connu sous le titre de Guns, Germs & Steel (et que j'ai lu en version originale) est un livre écrit par Jared Diamond qui s'attelle à la question...

le 10 déc. 2010

27 j'aime

1

Tabou
numerimaniac
9

Changer la société sans révolte

Tabou est la dernière œuvre cinématographique de l’un des réalisateurs les plus engagés au Japon, ayant fait de ses films des armes politiques : Ôshima Nagisa. Le tabou, c’est l’arrivée dans une...

le 18 avr. 2014

25 j'aime

1