Les rencontres improbables c’est beau, et souvent c’est encore mieux quand elles ont lieu sur grand écran.
Alors oui la petite histoire qui se noue entre une mère célibataire un peu paumée et le bon marin en escale pouvait être jolie.
Les acteurs font le taf, particulièrement les rôles secondaires (la grand-mère et son petit fils en tête).


Mais Du soleil dans mes yeux pêche par trop d’aspects pour qu’on arrive à le laisser mener en bateau.
D’abord parce qu’il met beaucoup beaucoup de temps à se mettre à l’eau, et qu’il a une manière dérangeante de présenter le personnage d’Irène comme quelqu’un d’énigmatique pour finalement retomber sur quelque chose de tristement banal. On attend une révélation coup de poing qui déçoit quand elle arrive.


Les personnages d’un film ont-ils besoin de vivre des choses formidables ou d’être extraordinaires pour qu’on veuille les suivre?


Non, tout dépend de la manière dont les choses s’agencent, dont on approche la psychologie des personnages, dont on les rend réels, palpables, aimables ou détestables. Il faut réussir à gommer l'espace entre l'écran et le spectateur.


Le principal problème ici ce n’est pas le mal-être de chaque protagoniste: on serait capable de se projeter, de les comprendre, de se dire que oui ils font face à des tournants, à des choix, qu’ils peuvent à tout moment rebrousser chemin ou foncer tête baissée dans une nouvelle phase de leur vie.
Leur histoire pourrait nous émouvoir parce qu’elle nous rappellerait nos propres combats ordinaires, mais ça ne prend pas.


Le spectateur sait se mettre au niveau des personnages, il attend seulement qu’on lui donne de la matière, il est prêt à faire son travail, à s’imprégner des éléments et les intégrer à sa sauce, à la lumière de son ressenti.
C’est qu’il aime ça le spectateur, qu’on lui demande de bosser de son côté, c’est même là dessus que les films plus contemplatifs trouvent tout leur sel.


Mais les personnages de Du soleil dans mes yeux restent trop loin de nous: leurs changements d’humeur, leurs dialogues, leurs positions, l'enchaînement des scènes, tout semble manquer de substance et de liant.
Le seul auquel on arrive à croire de bout en bout c’est le plus jeune du lot: le petit Emile a l’air d’exister vraiment, et on se demande bien par quel miracle. Peut-être parce qu’il a moins de dialogues - donc moins d’occasions de casser l’illusion.


Les autres ne sont que des fantômes.
C’est ce que le réalisateur a voulu montrer pour dire que oui ils sont dysfonctionnels et vont se reconstruire (ou pas). Il veut filmer des personnages meurtris. On aurait pu l’apprécier.


Sauf qu’en fait ils ne sortent jamais du stade de projection sur un écran, on ne pense pas pouvoir les rencontrer demain, on ne le veut pas, ils n’ont pas l’air crédibles.
Alors le temps semble long, on se dit que peut être on aurait dû manger moins lourd, dormir plus, travailler moins, s’habiller moins chaudement, et puis finalement on serait peut être mieux en étirant les jambes, et puis non si on repliait la jambe gauche sur la droite? Et pourquoi pas l’inverse?
Bref on pense à tout ce qui n’a pas de rapport avec le film, et ce n’est pas bon signe.


Par contre ce qu’on voit bien et beaucoup, c’est combien le réalisateur est fasciné par le corps de son actrice qu’il choisit d’habiller peu, de déshabiller beaucoup. Tous les ébats (et il y en a plusieurs) sont filmés en la mettant en avant, et on sent réellement l’attrait qu’elle exerce sur lui.


S’il y a une chose que du soleil dans mes yeux arrive à transmettre, c’est l’attirance du personnage de Yan pour Irène, qui se confond avec celle du réalisateur/acteur pour son actrice/collègue.


Malheureusement le film ne peut pas reposer que sur ces scènes, et leur répétition sonne comme un manque de matière pour le reste ou comme une impossibilité de se détacher de la fascination du réalisateur pour le contact physique.


En l’entendant défendre son film, on croit à sa sincérité, malheureusement les bons sentiments ne débouchent pas automatiquement sur de bons résultats.

iori
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le 30 avr. 2018

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iori

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