Duelle par pierrick_D_

Deux mystérieuses femmes se livrent une lutte à mort pour retrouver une pierre précieuse aux pouvoirs magiques.Avec ce film,Jacques Rivette entamait ce qui devait être une tétralogie,mais il se cantonnera finalement à deux films,celui-ci et "Noroît",tourné dans la foulée.Il devra attendre 27 ans avant de réaliser la troisième partie,"Histoire de Marie et Julien",de ce qui restera une trilogie."Duelle" et "Noroît" sont deux oeuvres jumelles,ce qui est logique vu qu'elles traitent de dualité.Même thématique,même traitement théâtral,même équipe technique.Comme il le fera pour "Noroît",Rivette signe donc le scénario avec Eduardo de Gregorio et Marilu Parolini,tandis que sont déjà présents William Lubtchansky à la photo,Pierre Gamet au son,les frères Cohen Solal à la musique,ainsi que les assistants Bertrand Van Effenterre et Jean-Jacques Aublanc,ici flanqués de deux autres futurs cinéastes,Denys Granier-Deferre et Alain Centonze.Ce qui diffère,c'est le casting,totalement différent,et les décors,puisque "Duelle" a lieu à Paris alors que "Noroît" aura pour cadre la côte bretonne.Ce premier film est légèrement supérieur au suivant,du fait d'une intrigue un peu plus lisible et d'une musique nettement moins pénible,mais brasse des sujets identiques.La dualité donc,deux femmes,la brune et la blonde,la lune et le soleil,la nuit et le jour,le don d'ubiquité,les miroirs,les fantômes et les vivants,l'ombre du saphisme qui plane.C'est long et répétitif,pas toujours compréhensible,truffé de dialogues creux déclamés d'un air pénétré par des comédiens jouant faux avec application,entre grandiloquence et rires forcés, et se déplaçant de manière très chorégraphiée.Mais la technique compense en grande partie et empêche le spectateur de sombrer dans l'ennui absolu.Il y a peu de décors,mais ils sont beaux et bien choisis.Rivette a le sens du plan et s'y ébat avec aisance.Lubtchansky fait de magnifiques images et s'arrange à merveille des ambiances nocturnes.Le musicien qui improvise en apparaissant dans diverses scènes est le pianiste Jean Wiener,assez raccord avec le style dancing.Quant aux acteurs,ce sont surtout des actrices,car le féminisme est à l'honneur dans ce contexte où les filles dominent les hommes avec autorité,ces derniers étant les jouets désemparés de femelles manipulatrices.Il n'y a d'ailleurs qu'un seul vrai rôle masculin,tenu par le danseur Jean Babilée,qui déploie une puissance physique et une souplesse gestuelle impressionnantes.Le gynécée réuni par Rivette est de haute volée,de Bulle Ogier,référence du cinéma d'auteur,à Nicole Garcia,en passant par Claire Nadeau,Elisabeth Wiener,la fille de Jean,ou l'étonnante inconnue Hermine Karagheuz.Sans oublier Juliet Berto,qui fut "La chinoise" de Godard,celle de la chanson d'Yves Simon "Au pays des merveilles de Juliet".Rappelez-vous,"sur les vieux écrans de 68,vous étiez chinoise mangeuse de frites".Toutes ces comédiennes ,qui changent sans arrêt de costume,parviennent à transcender l'hermétisme prétentieux des dialogues et le ridicule de la mise en scène,ce qui est assez méritoire.