À l’occasion de la sortie de Dune 2 au cinéma, j’ai enfin rattrapé le premier volet, sans rien connaître de l’œuvre de Frank Herbert et sans avoir vu le film de Lynch. Et au bout du compte, peut-être que le livre est d’une grande richesse et qu’il dégage une atmosphère particulière, mais pour ce qui est de cette adaptation, c’est surtout un scénario déjà vu mille fois mis en image de façon tout à fait quelconque avec beaucoup de moyens techniques et d’esbrouffe. On est quand même face à un film qui regorge de clichés, encore une saga sur un élu qui hérite d’un pouvoir exceptionnel, toujours les mêmes répliques, le même jeu d’acteur, que je déteste, qui s’est standardisé à partir des années 2000-2010, où tout le monde parle avec le même ton grave, mi-déclamé, mi-chuchoté, et en plus il y a un filtre gris moche sur l’image.

Alors pourquoi le film a-t-il si bien marché, et pourquoi me suis-je moi-même laissé prendre au jeu ? Tout simplement parce que, par le déploiement de tout un attirail technique que seule la salle de cinéma peut vraiment offrir, Villeneuve fait tout pour tout rendre ultra épique. Comme il ne se passe presque rien, il faut que chaque geste, chaque action qui se déroule sur l’écran soient accompagnés d’un insert, d'un plan hyper stylisé, de tout un habillage sonore typique de Hans Zimmer qui fait littéralement, physiquement vibrer toute la salle. Et tout ça est remarquablement bien fait, parce que ça pourrait être ridicule au possible avec cette esthétique de pub chanel filtre dark, mais comme l’image est terne, les décors épurés, les acteurs froids, et que la musique, bien qu’omniprésente, n’en est pas vraiment une, mais plutôt des espèces de sons et vibrations organiques très forts, le film parvient au moins à se donner des airs hyper sérieux. Tout, à l’exception d’une scène, est montré avec un premier degré insistant. Mais le résultat, c’est qu’on a constamment l’impression que Dune est un film qui se regarde dans le miroir, surtout avec ces effets sonores qui nous hurlent dessus par moment pour nous faire comprendre à quel point Denis Villeneuve et Hans Zimmer sont forts. Tout ça est assez complaisant ; le public a eu exactement ce qu’il voulait voir en sachant qui était le réalisateur et qui était le compositeur, tous les deux très à la mode en ce moment. Les plans épurés à la Villeneuve le sont plus que jamais, même quand c’est contreproductif (le désert qui n’a jamais l’air étouffant par exemple, les vers géants qui n’ont rien d’inquiétant, repoussant, rien de lovecraftien, mais qui sont jolis à regarder), les sons fabriqués par Zimmer sont plus forts, plus présents et plus vibrants que jamais, il n’y a aucune surprise à ce niveau-là.

Alors oui ça marche, on appelle même ça de l’ASMR je crois, mais le problème c’est que même si ça fait du bien aux oreilles, ça ne marque pas durablement. L’émotion qui reste à la fin et même pendant le visionnage, c’est l’amertume de sentir qu’on est face à une véritable coquille vide. Un peu comme dans un parc d'attraction ou un film en 4D au Futuroscope, même si ça provoque des sensations, ça ne provoque pas d'expérience esthétique. Ces multiples effets sensoriels ne changent rien au fait que le film est attendu à tous les niveaux, que les personnages sont vides et qu’il n’y a pas vraiment de scènes. Les dialogues sont exclusivement explicatifs et les acteurs prennent tout le temps la pose, mais ils ne dégagent rien de plus. On ne ressent aucune sympathie, peur, ou quoi que ce soit d’autre pour eux. Les scènes ont toutes la même durée, les plans ont tous la même durée, le film n’ose strictement rien au niveau de la mise en scène et reste en surface de tous les sujets qu’il aborde. C'est un film qui ne regarde rien d'autre que lui-même, ce qui est tout de même un peu embêtant pour un film, dont le propre est de regarder des choses.

Il est probable que la suite sorte exactement du même moule : un film dont toute la démarche esthétique soit d’être le plus léché et lisse possible, dont l’expérience de visionnage plaira, à tout le monde même, mais qui n’aura aucune chance de bouleverser vraiment qui que ce soit. Le plus dommage, c'est que ça ne fonctionne qu'en salle, à moins d'avoir un home cinéma avec son en cinq points chez soi. C'est du cinéma au service de la technologie. Hors de la salle, il perd presque toute

Beorambar
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le 1 mars 2024

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Beorambar

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