Le film de guerre, si souvent en proie à ses poncifs, est d'autant plus risqué lorsqu'on l'attaque comme film de genre. Difficile, donc, de ne pas attendre Nolan au tournant quand il décide de nous proposer sa version du Jour le Plus Long. Le réalisateur en est conscient et se démène pour s'affranchir des critiques, à grand renfort de points d'originalité ; autant de coups d'échecs qui s'avèreront malheureusement être de creux cabotinages.


Le choix du sujet, un semi-fiasco militaire anglais, vu à travers le regard quasi-muet d'un bleu terrifié ? C'est finalement un simple choix cosmétique de cohérence avec la grisaille chagrine et tourmentée qui est désormais un pré-requis nolanien. Ça ne barre en rien la route à l'inébranlable héroïsme larmoyant du genre.


La conscription de l'intrigue à la bataille ? Ça allège certes le récit, sans pour autant empêcher Nolan de se vautrer dans un travers récurrent depuis Inception : des dialogues d'exposition à couper au couteau.


La structure narrative presqu'innovante ? Dommage, elle n'est qu'une excuse pour donner de la simultanéité totalement artificielle aux moments de tension. L'immersion et le rythme de Dunkerque en sont massacrés.


Évidemment, Nolan n'a rien perdu de sa verve orchestrale : l'intro, ou encore la scène du chalutier échoué rappellent qu'il est un splendide chorégraphe du chaos. Mais l'ensemble, collection de choix audacieux qui s'imbriquent mal ensemble, manque de maturité.


Et même si ça m'importe peu dans mon appréciation du film, je grince de voir des louanges pour le "réalisme" du film, vu le nombre de libertés prises avec l'Histoire (la plupart des hommes a été en fait transférés depuis le Port de Dunkerque, complètement occulté ici), la méthode (des pirouettes aériennes qui n'ont ni de sens ni de réalité historique) et la Physique (les balles d'avion de chasse atteignent instantanément leur cible, pas besoin de tirer quelques secondes avant de l'avoir dans le viseur).


Après avoir vu huit films de Nolan, il m'aura fallu la BO - réussie mais un tantinet paresseuse - de Dunkerque pour réaliser quel est son thème favori. Je pensais que c'était la psyché humaine, mais les "tic tac" incessants de Hans Zimmer m'ont fait comprendre que la première des fascinations de Nolan est pour le Temps, matériau brut du cinéma.


Ça a le mérite de donner une grille de relecture passionnante pour le reste de son œuvre, et de fournir une première explication du ratage qu'est Dunkerque. Nolan a péché en traitant le temps comme un simple artifice narratif, sans résonnance thématique. Une erreur à ne pas réitérer.

Manutaust
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le 23 juil. 2017

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Manutaust

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