La guerre au cinéma a toujours été un exercice délicat. Comment en faire un film sans en faire un pur spectacle qui pourrait tourner à l'apologie guerrière, tout en tenant un propos critique et complexe ? Cette question a tourmenté bien de grands cinéastes. Autant dire que l'appréhension était réelle lorsque Nolan, qui n'a pas la réputation d'être le réalisateur le plus subtil du monde, décida de s'attaquer au sujet, sauf évidemment pour ses groupies hypnotisées qui parlaient déjà de chef d'oeuvre (notamment sur ce site) avant même le début du tournage.
La principale promesse de ce film est de faire vivre au spectateur la guerre comme les protagonistes la vivent. Il faut admettre que c'est plutôt réussi, Nolan fait en ce sens le Gravity du film de guerre avec une maîtrise formelle et des effets spéciaux très réussis, au service d'un rythme effréné.
Cette promesse constitue aussi la limite du film, car derrière l'habilité technique ne se cache qu'une histoire on ne peut plus convenue. Le dispositif initial (3 récits sur 3 temporalités différentes) est emblématique de cette pseudo-complexité Nolanienne qui agace tant et ne sert ici qu'à créer un suspens artificiel, en utilisant la musique de Hans Zimmer qui réveille les morts et rend sourds les vivants pour bien nous prévenir à coups de décibels dans nos gueules lorsque quelque chose d'important arrive (une explosion par exemple, soit toutes les 30 secondes).
Ajoutez à cela des ficelles de scénario tellement grosses qu'on peut parler de cordes, dont la palme revient à l'histoire du gamin qui insiste pour traverser la Manche et dont le dénouement est encore plus grotesque que prévu : le morveux tombe au front (enfin il se fracasse le front en tombant dans le bateau quoi), et devient un héros local. Ça alors ! Lui dont les parents craignaient qu'il rate sa vie, c'est sa mort qu'il a ratée (ou réussie, selon le point de vue).
Si encore il n'y avait que quelques maladresses comme celle-ci, mais la fin nous rappelle qu'il ne s'agit que d'un énième blockbuster qui ne doit pas troubler la digestion de pop-corn de ses spectateurs, soit du sous-Spielberg mal assumé et maladroit avec musique lyrique, acclamations patriotiques et happy ending à la con (pour un film sur une défaite il fallait le faire). Dommage que la guerre ne ressemble pas davantage à un film de Batman, Nolan aurait pu en tirer un film juste et réaliste.