Je me souviens de ma surprise, l'année dernière, au moment de découvrir le thème du nouveau film de Nolan, axé pour la première fois sur un évènement historique. Alors que j'étais personnellement un amateur des univers proposés par Nolan, et de ses scénarios étourdissants, je me demandai donc comment il parviendrait à conserver cette singularité avec un cadre cette fois limité par la réalité historique.
Et ma curiosité, teintée d'appréhension au moment d'entrer dans la salle, a finalement trouvé satisfaction.
Nolan a choisi une toute autre façon de traiter son film : dans Dunkerque, l'aspect contemplatif prend le dessus, et la touche scénaristique de Nolan s'estompe pour laisser place à l'Histoire. Alors bien entendu, cette histoire, on la connait avant d'entrer en salle. On sait quel va être le dénouement, et on est rarement surpris par celui-ci, mais Nolan rend son film intéressant en ceci qu'il décide ici de ne pas seulement raconter cette histoire, mais de la faire vivre.
Le premier élément, prépondérant, est le montage temporel du film. L'histoire est racontée selon trois points de vue, qui ne sont pas simultanés. On prend donc déjà quelques instants pour comprendre le mécanisme du film. Par la suite, les 3 histoires s'enchevêtrent, cultivant une certaine once de suspens qui pourrait cruellement manquer à un tel film. Les 3 points de vue finissent par se rejoindre, les destinés des différents personnages se croisent sans que ceux-ci se rencontrent, et on se prend au jeu en retraçant tous les liens de causalité implicite présents dans le film. Qui plus est, ce montage nous ramène sans cesse au temps, qui est l'ennemi numéro des protagonistes, et contribue à l'immersion essentielle à Dunkerque, dont nous parlerons ci-dessous. Nolan choisit donc ici de s'amuser avec le montage, comme il a pu le faire avec succès dans Memento.
Mais plus encore que le montage, l'immersion est la clé du film à mon gout, et la note que j'accorde à Dunkerque provient en grande partie de celle-ci. L'effet est incontestablement réussi. Au moment du générique, pas un bruit dans la salle. Les spectateurs ressortent progressivement en silence. Il faut un temps à chacun pour reprendre ses esprits après avoir été plongé dans la guerre. Les spectateurs semblent dépourvus de parole, et je me surprend moi aussi à n'avoir pas envie d'émettre tout de suite un avis sur le film. (le silence ne sera brisé qu'une fois hors du cinéma, lorsqu'un de mes camarades fera une réflexion sur l'affiche de Mission Pays-Basque !...)
Les personnages sont traitées avec brio. On ne connait rien d'eux, ils n'ont rien de particulier, ce ne sont que quelques soldats parmi tant d'autres, quelques civils issus du commun des mortels, on ne les connait pas. Et paradoxalement, on devient leur compagnon de galère et partage leur intimité le temps d'un film (je pense notamment à "La Jetée"). Les relations entre les personnages tiennent un rôle essentiel dans le récit, et dépeignent efficacement les dommages psychologiques de l'enfer de la guerre, notamment dans "La Mer" et 'La Jetée". Ce traitement simple mais finalement assez profond des personnages est sublimé par des acteurs talentueux, qui tiennent globalement bien leurs rôles.
La musique de Hans Zimmer prend également une part importante dans le film, et amplifie le caractère oppressant voulu par le réalisateur. On pourrait émettre comme réserve qu'elle en devient redondante, et presque désagréable, mais c'est en cela qu'elle participe à l'immersion.
Enfin, la photo est plus que satisfaisante, et les effets spéciaux, notamment les scènes de combats aériens, remarquablement bien réalisés.
Ce film est donc une preuve irréfutable que le cinéma peut faire voyager, dans le temps comme dans l'espace, ce que Nolan fait brillamment pour nous emmener à la guerre et nous la faire vivre le temps d'un film incroyablement intense et puissant.