La genèse d'E.T. L'Extraterrestre débute par une simple phrase de François Truffaut adressée à Steven Spielberg lors du tournage de Rencontres Du Troisième Type : "Vous devriez faire un film sur les enfants". Une vision prophétique que Spielberg va développer aux côtés de Melissa Mathison, qui accompagne alors son Harrison Ford de mari sur le tournage des Aventuriers De L'Arche Perdue. Le cinéaste souhaite avant tout mettre en exergue son enfance banlieusarde où seul son imaginaire le sauvait de sa solitude et de l'apathie suburbaine. Un petit film personnel, loin de la grosse machinerie hollywoodienne que le réalisateur exploite depuis le triomphe commercial des Dents De La Mer.

Suite à une courte halte destinée à récolter des spécimens sur notre planète, des extraterrestres botanistes s'enfuient précipitamment en omettant d'embarquer l'un de leur semblable. Ce dernier, seul et paniqué, trouve refuge dans la remise d'une famille monoparentale et se voit recueilli par Elliott, un enfant de 10 ans qui voit en la créature le moyen de pallier à son inaltérable sentiment de solitude... Mais les scientifiques du gouvernement traquent inlassablement cet extraterrestre qui cherche, de son côté, à contacter les siens.

Alors que la post-production du métrage patine pour récolter des fonds, puisque ce minuscule projet SF est jugé par les sponsors comme étant une œuvre gentiment rentable, E.T. L'Extraterrestre devient néanmoins, à sa sortie, le plus grand succès commercial planétaire de son réalisateur.

Tranchant de façon magistrale avec tous ses congénères débarqués de l'espace, le film crée un véritable évènement qui marque au fer rouge toute une génération qui se retrouve pleinement et sensiblement dans les messages contre l'intolérance et la xénophobie livrés dans le script. Un hymne à la simplicité, à la pureté et au retour à l'enfance totalement en phase avec le renouveau de l'Amérique reaganienne d'alors qui n'amorçait pas encore les catastrophes économiques à venir. Ici, Elliott et son ami d'un autre monde représentent tout simplement la magie de l'innocence et de la fantaisie, celle qui s'estompe à mesure de l'entrée dans la vie active. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si Mary (la mère, à la sexualité apathique, voire immaculée, depuis sa séparation) lit Peter Pan à sa fille Gertie, adorablement incarnée par Drew Barrymore.

S'adressant purement à l'émotion et au sensitif, Spielberg signe ici un monument qui va indéniablement changer la face du cinéma des années 1980 et dézinguer au box-office des chefs-d'œuvre nettement plus sombres comme Blade Runner et The Thing.

Le génie de Melissa Mathison est d'avoir su transmettre un attachement immédiat au personnage de l'extraterrestre associé au désir de protection qui touche le spectateur. Mis en image avec talent par Spielberg, le script prend une tournure inattendue en inversant les valeurs qui placent les humains en situation d'intrus impersonnels et la créature en position d'héroïne infiniment aimable et munie de toutes les qualités. À son contact, les enfants deviennent protecteurs du bien face à la brutalité des adultes et sont ainsi traités tels les disciples messianiques de la créature qui accomplit des miracles, guérit les blessures et prône inlassablement la paix, la sagesse, la communication et le respect de l'autre. Un message christique vieux comme le monde accolé à un univers nostalgique que Spielberg a indéniablement pioché aux confins de sa culture enfantine : les œuvres de Walt Disney, les cartoons de la Warner et autres séries B en mode SF des années 1950, dont Le Météore De La Nuit, de Jack Arnold, où des extraterrestres faisaient une courte halte sur notre planète pour réparer leur vaisseau spatial.

Avec E.T. L'Extraterrestre, rien n'est inventé et tout est recyclé à la manière du nouveau chantre d'Hollywood. Un "rêve de gosse" qui, en 1982, apparaît au bon moment sur les écrans de cinéma et qui chavire le cœur d'un public qui aspire à plus d'humanisme, de sensibilité et de bonté après les horreurs commises avec le nucléaire et les traumatismes causés par les guerres. Un cinéma bon enfant, lorgnant immanquablement vers la guimauve (Spielberg oblige), mais sacrément bien fichu et qui offre toujours un peu de baume au cœur 41 ans après sa sortie.

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le 31 mai 2023

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