Un paradis désenchanté...
EdenNote importante : ce long-métrage est un récit fictif basé sur une histoire vraie. Le réalisateur Ron Howard propose son propre éclairage sur des événements restés jusqu’à ce jour remplis de...
le 14 juil. 2025
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Prévu pour sortir en salles en 2024 puis finalement repoussé notamment en raison de la grève SAG-AFTRA, le film Eden de Ron Howard a su, malgré sa promotion plutôt timide, attiser la curiosité grâce à son casting pour le moins alléchant, composé de talents comme Vanessa Kirby (actuellement en salle dans Les Quatre Fantastiques), Ana de Armas (vue récemment dans Ballerina), Jude Law, Sydney Sweeney, ou encore Daniel Brühl. Son pitch de thriller survivaliste se déroulant sur une île déserte, inspiré de l'affaire des Galápagos, fait divers ayant défrayé la chronique dans les années 30, avait également de quoi donner envie.
Eden, qui devait au début du projet être intitulé Origin of Species, nous raconte la venue sur l'île Floreana, située dans l'archipel des Galápagos dans l'Équateur, de trois groupes de colons allemands en quête d'un nouveau départ. Les premiers, le philosophe Friedrich Ritter et sa compagne Dora, sont venus pour fuir la civilisation et les idées montantes de l'Allemagne avec lesquelles ils ne s'accordent pas, Ritter espérant, en se reconnectant avec la nature, trouver l'inspiration pour rédiger son ouvrage philosophique censé « sauver l'humanité ». Un jeune couple, Heinz et Margret Wittmer, les y ont rejoint après avoir lu leur histoire dans les journaux, souhaitant suivre leurs pas, sans vraiment s'attendre à la vie difficile de Floreana. Enfin, la Baronne Éloïse Bosquet de Wagner Wehrhorn, accompagnée de ses deux amants et d'un homme à tout faire, débarque elle aussi sur l'île, dans le but d'y construire un hôtel fastueux destiné à une élite millionnaire. Les conditions rudes des îles Galápagos, et la pénible cohabitation entre ces gens très différents, vont alors faire surgir chez eux ce que l'être humain cache de pire.
L'un des atouts du film est sans doute son cadre. À plusieurs occasions, de superbes plans en prises de vues réelles des îles Galápagos sont insérés, démontrant à la fois la stupéfiante beauté de ces espaces sauvages, mais aussi la cruauté de cette nature impitoyable pour les hommes qui n'y sont pas les bienvenus. Les frêles installations des nouveaux habitants de l'île constituent un étrange voisinage, théâtre des événements du film dans lequel l'action se resserre. La photographie, somme toute assez simple, sait bien mettre en valeur les décors naturels du long-métrage, qu'il s'agisse des contrées verdoyantes ou des plages de sable fin. Ce lieu paradisiaque, friche d'une nouvelle civilisation, donne ainsi sens au titre.
De son côté, le casting tient bien ses promesses, attendu au tournant comme le point fort majeur du film de Ron Howard. La froideur de Vanessa Kirby, qui impressionne par son intransigeance, Jude Law qui prête ses traits au Dr. Ritter fait évoluer son jeu en même temps que l'état d'esprit de son personnage qui bascule lentement dans la folie (jusqu'à une scène servant de tournant, directement inspirée du Shining de Stanley Kubrick, lorsque Ritter tape inlassablement le même mot sur sa machine à écrire), Sydney Sweeney fait également montre d'autant de douceur que de puissance avec le personnage de Margret, pure mais forte et déterminée. Mais c'est incontestablement Ana de Armas, en tant que la « Baronne », caractérisée par sa beauté, son narcissisme et son charisme, qui crève l'écran à chacune de ses apparitions. Son personnage, aussi haïssable qu'envoûtant, fait office d'antagoniste, autour duquel gravite la plupart des enjeux du film. Le magnétisme qu'elle dégage captive autant le spectateur que les personnages qui s'y soumettent aveuglément et se laissent charmer par son chant de sirène (de manière littérale, lors d'une scène de chant génialement gênante).
Ce sont les relations entre les personnages, ainsi que leur rapport à l'île, ce qu'ils y cherchent, et ce qu'ils y trouvent, qui sont le cœur du récit. Alors qu'ils sont tous venus afin de prendre un nouveau départ, et de fuir à la fois une civilisation au sein de laquelle ils ne trouvent pas leur place et une humanité dans laquelle ils ne se reconnaissent pas, chacun d'entre eux (ou presque) va finalement laisser les pires travers de notre espèce prendre le dessus. Même dans ce monde encore pur, que le vice de l'homme n'a pas corrompu, leurs obsessions tournent autour de la recherche du pouvoir, de la richesse, ou de la reconnaissance et l'admiration des autres. Ils amènent avec eux les problématiques de la propriété, la possessivité, la jalousie à l'égard de son prochain, et vont commettre l'irréparable pour défendre leurs intérêts égoïstes. Et ce même sans le poids de la société. La nature profonde même de l'homme moderne serait alors irrécupérable. Le seul espoir qui subsiste est l'enfant de Margret (elle-même déjà la plus vertueuse des habitants), né sur l'île, et représentant un nouveau départ possible.
L'affaire des Galápagos est en elle-même un fait divers fascinant entouré de mystère, et constituait un terreau fertile pour réaliser un thriller prenant, porté de surcroît par des acteurs très talentueux, le tout dans un cadre enchanteur inhabituel pour ce type d'intrigue. Quelques fois entaché par des problèmes de rythme, ces lenteurs s'expliquent toutefois en partie par le fait qu'il s'agit d'un film centré sur la psychologie de ses personnages, les rapports qu'ils entretiennent, et par conséquent, les dialogues. Artistiquement, l’œuvre manque peut-être de personnalité et peut paraître relativement lisse et trop propre. Mais il est facile de se prendre au jeu en regardant les personnages dépérir, sombrer dans le mal ou la folie, et se laisser progressivement submerger par les démons tapis en tout Homme. Jusqu'à être dévorés, tour à tour, par cet Éden sauvage qu'ils ont eu le tort de vouloir s'accaparer.
(le mot d’ordre dans la salle de casting c’était “il nous faut des gens beaux”)
(et ils sont aussi talentueux donc c’est tout bon)
Créée
le 3 oct. 2025
Critique lue 13 fois
EdenNote importante : ce long-métrage est un récit fictif basé sur une histoire vraie. Le réalisateur Ron Howard propose son propre éclairage sur des événements restés jusqu’à ce jour remplis de...
le 14 juil. 2025
2 j'aime
C'est vrai ! Je ne sais pas si c'est comme cela que s'est passée l'histoire réelle ou tout autrement mais le choix des auteurs est rude sur les questions rapports hommes femmes, aux classes...
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le 1 sept. 2025
1 j'aime
On oublie très rapidement que c'est un film de Ron Howard. Il n'y a pas la lourdeur habituelle.Bien sûr on devine certains passages et c'est parfois un peu téléphoné mais dans l'ensemble on peut se...
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le 28 juil. 2025
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