Oui, les gamers auront tout de suite vu de quoi on parle, de ces fameux jeux vidéo faussement "à l'ancienne" où pour vaincre le jeu, il ne fallait pas simplement faire péter le compteur des heures (les fameux open world devenus de simples Fedex Fantasy) mais simplement se prendre dans la tronche TOUS les pièges, pour au final, après un apprentissage par coeur, un peu triste et très frustrant, "au pixel près", on puisse se lustrer la nouille et se targuer d'être le Guy, le Boshi, d'avoir amassé de la Youtube money en rageant en direct, entre autres récompenses fantoches, certes, au prix d'efforts inconsidérés, mais souvent en oubliant ce qu'est le plaisir de jouer, le vrai, le "ludique" de vidéoludique. On performe, on investit du temps, mais à quel prix ?
C'est la différence entre le jeu à l'ancienne, où la difficulté, si énervante puisse-t-elle être (j'étais persuadé qu'un run en ligne droite du premier Mario durait plusieurs heures avant de regarder un run complet sur youtube (et me souvenir à quel point j'étais une brêle) ), en appelait à votre bon sens, vos réflexes, et où, en faisant preuve d'un poil de bonne foi, vous saviez que si vous mourriez, c'était de votre faute. Le jeu jouait avec vous, sans tricher ni vous faire de cadeaux.
C'est, pour rester "contemporain" (vieux, mais contemporain), ce qui différenciait les jeux From Software (Demon's Souls entre autres Souls, Bloodborne pour les moins "try harder" d'entre nous (et les plus patients, parce que les temps de chargements incroyablement longs (mourir en 10 secondes pour 1 minute de chargement, ça fait mal!) et autres Elden Ring), ou les bons shmups, petits et grands, vieux et récents, qui privilégi(ai)ent l'acquisition réelle de savoir-faire au simple achat de compétences, que ce soit en monnaie virtuelle ou en écus sonnants et trébuchants (au grand dam des parents de l'époque, alors peu prévenus de ces pratiques de requins, entre achats in-game et autres ruses dignes des fameuses "lignes en tout petits caractères", et se retrouvant avec des factures téléphoniques soit à cause desdits achats, soit simplement des dépassements de forfait (mais leur môme avaient gagné un item rare...).
Puis nous, les vieux, avons pu voir débarquer l'engouement pour la Vague des indés de qualité (Super Meat Boy, retraçant les contours du Die & Retry sans cassage de rythme, mourir faisant partie intégrante de l'apprentissage à la dure et de la dynamique qu'offrait le jeu) (oui, je ne cite qu'un exemple pour ne pas me/vous perdre), mais aussi pour les autres, instruments de torture revendiqués comme tels, qui ont néanmoins (bite en plus) trouvé leur clientèle comme le fameux I Wanna Be The Guy, plateformer injuste, cruel, où la seule option est de mourir, de rager, de se souvenir par coeur de la map du jeu pour espérer le finir (parce que la maniabilité n'était pas spécialement au rendez-vous, pour rajouter un soupçon de rage noire à cette épaisse tartine de cruauté).
Ce long rappel, loin d'être gratuit, permet de recontextualiser une danse souvent nié en bloc malgré son évidence entre cinéma et jeu vidéo, et les emprunts mutuels des mécaniques, éléments indispensables pour saisir l'essence, de Edge of Tomorrow.
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Résumons sans (trop) spoiler (disons pas plus que l'affiche...) :
En gros, Tom Cruise, bureaucrate de l'armée plein de médailles pour services rendus à la patrie (soit des bons gros spots publicitaires mensongers et encourageant façon Verhoeven, alors que l'espèce humaine se fait déglinguer par des insectoïdes plus nombreux, plus rapides, plus forts et qui maîtrisent le temps, a prioposteriori), se fait convoquer pour une mission de communication, apprend que ça se passe au front, et refuse fermement!
Petit blackout, et quelques secondes plus tard... Il se réveille dans la caserne de première ligne sur un tas de sacs, la bave aux lèvres après un bon dodo, par la magie de l'ellipse et du "ta gueule, c'est pas spécialement important et les scénaristes sont en grève ou en pause café".
Tom Cruise chie dans son froc et celui de ses voisins, n'ayant pas reçu l'entrainement pour affronter les bébêtes et manier l'exosquelette qui doit lui sauver la vie, se retrouve littéralement en première ligne, rayon charcuterie, fait des gaffes entre la maestria d'un Buster Keaton et la "finesse" d'un Dumb et Utra Dumber, et il MEURT!
Le film, fini en 10 mn ? Ai-je fait une sieste à l'insu de mon plein gré ? Si c'est le cas, Tom Cruise aussi parce qu'il se réveille à nouveau... à son arrivée à la base sur son tas de sacs préféré!!
Et là on saisit, au cas où l'on ait été lent à la comprenette, que l'on se trouve face à une sorte de The Groundhedge Day of Tomorrow.
Bon, ne nous mentons pas, défauts il y a, principalement dus à certains personnages monodimensionnels, et aux paresses d'écriture. Mais le film réussit, malgré les défauts inhérents aux films-concept qui généralement s'essoufflent, le film réussit à s'en sortir paradoxalement par son rythme, une performance de quelques acteurs, un sens du rythme tant visuel que narratif (à un ventre mou près), de l'autodérision à foison en mode humour noir particulièrement réussi, de la tension, bref, pour un film dont je n'attendais rien, il m'a donné beaucoup plus!
Ne serait-ce que la gestion des répétitions qui, une fois posée, ne s'éternise pas et nous épargne un bon quart d'heure de film en nous offrant de surcroît l'une des scènes les plus drôles et étonnamment les plus rythmées du cinoche impliquant Tom Cruise, pourtant loin d'être une brêle dans le domaine (quoi qu'on pense du nabot scientologue coté vraie vie).
Donc, aussi bizarre que ça puisse paraître pour les gens me connaissant, je suis effectivement en train de défendre ce film : un blockbuster, avec Tom Cruise!
Par contre, si j'ai trouvé pas mal de camarades de bon goût qui ont apprécié le film, peu de personnes ont trouvé ladite scène drôle à s'en fouetter les testicules... peut-être est-ce simplement mon sens de l'humour qui déconne... A vous de juger!