Oh ! Quelle surprise ! Encore une critique sur un Burton... Déjà que j'en écris pas beaucoup...
A croire que je ne regarde que ça !
Bah non... Mais comme ce film est sans doute le plus personnel et le plus apprécié de Burton, il fallait bien que je le critique un jour ou l'autre.


Commençons par résumer un peu (beaucoup ?) l'histoire.
Banlieue pavillonnaire en apparence gentillette, pleine de petits pavillons colorés et tous semblables les uns au autres qui n'ont de différentes que leurs couleurs, toutes dans les tons pastels (style maisons de Barbie). Gentillette seulement en apparence cependant, mais ça on y reviendra plus tard. Zone pavillonnaire ou chaque résident est réglé comme du papier à musique car on assiste à un ballet automobile millimétré et parfaitement synchronisé dans le lequel, tous les matins, les hommes partent au travail pendant que ces dames, sortes de Barbie Boniche "Ferme la et nettoie", gèrent le foyer. Qui a dit rétrograde et misogyne ? Bref, ces gentilles épouses passent leur temps à faire des trucs de filles, genre se faire les ongles, téléphoner aux keupines et draguer le plombier.
La seule femme tentant visiblement de fuir tant bien que mal cette monotonie superficielle est Peg, petite dame toute de violet vêtue, gentille comme tout, qui sort vraiment du lot tant les autres femmes ont toutes l'air de sacrées garces.
Au dessus de cette charmante bourgade se trouve un paysage beaucoup moins propret et coloré.
On retrouve là encore le fameux jeu de contraste à la Burton car derrière les pavillons pastels, on retrouve un château noir, lugubre et fort peu engageant, perché sur une colline assortie. Château duquel tout le monde semble se foutre, d'ailleurs... Personne n'y a jamais foutu les pieds. J'sais pas, moi...personnellement, un putain de château comme ça à 100 mètres de chez moi, posé là alors que bon, il a rien à y foutre, je serai au moins allée jeter un œil au lieu de me le rincer sur le cul du plombier. Bref, passons.
C'est à ce moment là qu'intervient efficacement Peg, notre charmante petite représentante en cosmétiques qui ne vend jamais rien mais qui a quand même eu le courage de se bouger un peu le cul pour trouver un job, elle. Après avoir essuyé un Xième claquement de porte au nez par l'une de ses grosses connes de voisines, elle semble remarquer ce château pour la première fois de sa foutue vie (mieux vaut tard que jamais, tu me diras...) et a bien envie d'aller refourguer ses merdes de crèmes hors de prix dans ce putain de manoir abandonné. Genius, Peg. Vraiment.
Elle y va donc, sans doute persuadée que ça serait une excellente idée de présenter sa nouvelle gamme de crèmes hydratantes à la rose aux araignées et aux chauve-souris.
Elle gare sa voiture devant les immenses grilles rouillées et lugubres et pénètre dans le domaine...et là... WAAAH ! C'eeest bôôô !
Un jardin sublime, magnifiquement bien entretenu dont les arbres et les buissons adoptent de superbes formes animalières.
Un jardin tout plein de couleurs mais apparemment vide de toute vie humaine ou animale.
Dans le château, l'ambiance est complètement différente. La poussière côtoie les toiles d'araignées dans un silence de mort. Notre petite Peg appelle, s'annonce et ne lui répondent que des pas précipités montant dans les escaliers. Elle montre donc dans les combles et découvre tapi dans l'ombre une étrange créature, ni animale ni même vraiment humaine. Un humanoïde à l'apparence de jeune homme (et quel jeune homme) pâle et balafré à la chevelure hirsute et tout habillé de vinyl noir (vu la combinaison et les balafres, je penche pour une soirée SM qui a mal tourné...mais bon, passons) qui possède d'énormes lames d'argents à la place des mains. Peg est dans un premier temps apeurée (ce qu'on peut comprendre) mais quand le bonhomme comme à s'exprimer, on se rend vite compte qu'elle ne risque pas grand chose. On apprend alors qu'il s'appelle Edward, qu'il n'est "pas fini" et que son père "dort toujours". Sur ces bonnes paroles, Peg ne cherche pas à en savoir plus et ramène Edward dans son petit pavillon pour le prendre sous son aile.
La nouvelle d'un individu inconnu dans la résidence se répand comme une traînée de poudre parmi les voisines qui sont en plus de sacrées commères. Edward devient alors malgré lui tour à tour coiffeur, toiletteur pour chiens, paysagiste et attraction principale du bled en flirtant souvent avec la naïveté.
Le jour qui changera un peu la donne sera celui où il rencontrera Kim, la fille de Peg, qui a physiquement l'air d'avoir le même âge que lui. D'abord terrorisée, elle cohabitera finalement avec lui dans un mélange de compassion, de fascination, de pitié et d'amour...ce que son petit ami, une brute épaisse hyper populaire, digérera assez mal.
Peu à peu, la vie d'Edward basculera, passant du statut de dieu vivant avec la salade d'ambroisie de la voisine (ambroisie lourde de sens ici car met principal des dieux sur le Mont Olympe...merci à mes cours de mythologie !) à celui de créature indésirable qui galère à manger ses petits pois devant une "famille d'accueil" désemparée.
On va s'arrêter là pour l'histoire.


Alors maintenant, pourquoi ce film ?
Par son casting, son ambiance, ses décors ou sa musique, je pense que ce film représente le style burtonien le plus pur et le plus accompli, doux équilibre entre poésie et macabre, entre admiration et rejet, entre rêve et désillusion.
Ce long métrage est d'un bout à l'autre Burton. Il imprègne chaque fibre de son film. Chaque plan, chaque dialogue le reflète.
On sent quasiment sa présence derrière la caméra mais dans le sens positif du terme (pas comme celle de Dolan dans "Juste la fin du monde" tellement on peut l'entendre se branler en gueulant "Je suis un putain de génie ! Ils vont tellement rien comprendre ! Haaan ! Oh putain !Je m'aiiime...ceux qui n'aimeront pas sont sooo mainstream !" ...hem...pardon, c'était gratuit.) ainsi que celle d'Elfman, compositeur des musiques qui rajoute encore plus de mélancolie à cette poésie.
Tout ça pour dire qu'en tant que fan, je ne pouvais pas passer à côté du film de Burton le plus représentatif.


Pour ce qui est des points négatifs, j'ai un peu de mal à en trouver malgré tous mes visionnages (qui a dit que je n'étais pas objective ?). Le film étant d'emblée annoncé comme un conte de fée expliquant l'origine de la neige, il tient finalement bien ses engagements. La morale m'a toujours un peu attristée m'enfin... elle reste cohérente donc bon. Non, niveau mauvais côtés, pour moi, c'est pas évident. On peut presque critiquer le côté très manichéen du film (méchants très méchants et gentils très gentils sans vraiment avoir de juste milieu) mais c'est typique de Burton aussi.


Pour ce qui est du casting, on assiste à la première collaboration d'une longue liste Depp-Burton, Elfman-Burton et Ryder-Burton.
Que de jolis débuts bien prometteurs !


Et puis il nous prouve aussi un truc : c'est que, n'en déplaise à ses détracteurs il ose, il tente des nouveaux styles et tout en les adaptant à sa sauce qui fait tout son charme, il se foire assez rarement.
Ici, il tente le conte de fée. Ça fonctionne.
Il tente la biographie avec Ed Wood et Big Eyes. Ça fonctionne.
Il tente la comédie musicale avec Sweeney Todd. Idem.
Il tente l'animation stop-motion avec L'étrange Noël de Mr Jack (où il tente même l'adaptation de son propre poème) et Les Noces Funèbres. Pareil.
Il tente la Science Fiction avec Mars Attacks. Ça marche.
Il tente aussi l'adaptation de roman avec Miss Peregrine et les enfants particuliers et pour avoir lu le livre : c'est une réussite.
Merde...tout ça...bah ça fonctionne, quoi.
Donc bon je veux bien à la limite entendre des gens dire qu'ils n'adhèrent pas à son style parce que trop gothique...etc...mais dire qu'il fait toujours la même chose, n’innove pas et enchaîne les foirages : non. Mauvaise foi. Totalement de mauvaise foi, même. Fuck. Il fait de tout, bordel. Il rajoute juste sa patte. Sauf que comme elle est plus particulière qu'une autre, elle se ressentira plus si tu ne l'aime pas. C'est comme l'ail, bah tu le sentiras plus dans un plat si t'aimes pas ça. C'est pareil. (Je viens de comparer Burton à de l'ail...)


Que dire d'autre sur ce film ?
Personnellement, il m'a toujours profondément touchée. Il dégage une douceur incroyable et une nostalgie magnifique.
La photographie et le montage sont hyper réussis, les décors aussi (cette fameuse scène particulièrement, dans laquelle Winona danse sous la neige alors qu'Edward sculpte des blocs de glace). On a une ambiance à la fois chaleureuse et glacée.
Même le casting est au top avec un Depp au top de sa forme dans un personnage marginal et décalé, presque monstrueux mais attachant, une Ryder douce et intriguée pas trop cruche (pas comme dans le Dracula de Coppola...) et une Diane Wiest en toute mimi et naïve Peg.


En bref et pour résumer, un conte de fée (plus pour adultes je pense) pas vraiment optimiste mais tellement touchant que je ne peux que le conseiller (surtout aux jeunes, 'fin plus jeunes que moi, genre années 2000, pour voir ce dont était capable Depp avant d'être trop et mal maquillé dans les films à gros budgets !)

Créée

le 20 août 2017

Critique lue 1.1K fois

12 j'aime

Ann - Aël

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

12

D'autres avis sur Edward aux mains d'argent

Edward aux mains d'argent
OkaLiptus
10

Once upon a time in Hollywood...

"Bien sûr qu'il avait un nom, il s'appelait, Edward..."Autrement dit, Tim Burton. Œuvre magistrale, naïve, irrésistible, foudroyante, féerique, mais qui sait jouer du réel tout en intégrant les codes...

le 6 déc. 2023

105 j'aime

75

Edward aux mains d'argent
Grard-Rocher
8

Critique de Edward aux mains d'argent par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Aux États-Unis, dans un vieux château délabré dominant un village,vit un jeune homme, Edward Scissorhands. Cet être bien différent des autres a en fait été créé de toutes pièces. Il possède entre...

74 j'aime

6

Edward aux mains d'argent
Sergent_Pepper
8

Single Hell.

Le premier plan d’Edward aux mains d’argent est étrangement familier au cinéphile qui connait son petit Citizen Kane : même exploration d’une demeure démesurée et lointaine, même approche d’un lieu...

le 18 nov. 2016

72 j'aime

2

Du même critique

Terminator
Marine_Puisieux
8

"Sarah Connor ? - C'est à côté."

Enfin une critique objective de ma part ! Du moins je vais essayer... J'avoue déjà que la saga des Terminator ne m'a jamais réellement attirée. On ne peut pas dire que ça fasse partie de ma zone de...

le 3 oct. 2018

28 j'aime

9

Shining
Marine_Puisieux
9

Brillant Shining

Un véritable bijou de Stanley Kubrick que ce Shining. Certains diront qu'il a vieilli...certes, mais citez moi UN film de 1980 qui n'a pas pris une ride... Non ? Personne ? C'est bien ce qu'il me...

le 6 août 2015

28 j'aime

5

Only Lovers Left Alive
Marine_Puisieux
9

Vinyles, vieilles guitares et sorbets O négatif

On va commencer par le début : pourquoi ai-je eu eu envie de voir ce film ? Plusieurs réponses : - Tilda Swinton (actrice que j'adore depuis le premier Narnia, autant dire depuis que je suis toute...

le 23 nov. 2015

21 j'aime

2