Le film s'ouvre et se clôt sur deux plans magnifiques : le premier s'est l'image fixe d'un Monument Valley qui passe progressivement du noir et blanc à la couleur. Le dernier, pour ne pas trop en dévoiler, je dirais juste qu'il s'agit d'un travelling arrière avec en fond de plan ce même Monument Valley. Plan étonnement puissant, mélancolique, nostalgique et pessimiste.
Au milieu de ces deux levé et tombé de rideau, un homme, un policier. Sorte de gnome perdu dans un monde qui bascule. Homme qui romps socialement et qui fait office d'intrus d'une part par sa taille (en témoigne le travelling latéral lors de la présentation des policiers-motards) d'autre part par ses idéos. Un rêveur obnubilé par l'image iconique d'un passé révolu. Un homme qui rêverait de voir dans les yeux de John Wayne le ciel bleu se détacher sur le rouge de Monument Valley. Un fétichiste de l'icône, de l'image de l'Amérique avec un grand A : scènes de « déguisements » fétichisme du costume.
Le film se situe peu après le Vietnam. Dans cette région désertique perdue au fin fond de l'Arizona, les cow-boy/policiers luttes contre les indiens/hippies. Emprisonnés dans le carcan de la société, marqués par une guerre trop récente, ils luttent contre une liberté qu'il non pas et qui leur manque. L'Hippie représente ça, ce rejet du système et cette liberté retrouvée. Tout du moins c'est l'image qu'il renvoie. Electro Glide in Blue c'est ça, un film sur l'image, sur le rapport à l'image. Les policiers s'entrainent à tirer sur une image d'Easy Rider pour ce qu'elle renvoie. Et lorsque l'on tire sur un flic, ce n'est pas contre l'homme mais contre l'uniforme.
L'enquête policière qui fait office de fil rouge dans le film n'est là que pour illustrer ce propos et en dénoncer toute l'absurdité (pas seulement car elle parle également de solitude et renvoie ainsi à l'image du héros).

Ce rapport à l'image est également présent dans la forme même du film notamment par l'utilisation fétichiste d'une photographie Fordienne qui renvoie directement à la Prisonnière du désert.
Je passe très rapidement sur la forme en elle-même, mais elle est magnifique et en temps que grand fan des paysages de l'ouest-américain je suis plus que comblé.

Au final, Electro Glide in Blue est un film désillusionniste, un film sur les rêves déchus et sur la frustration liée à l'imaginaire.
Au cœur du film une autre scène, très belle elle-aussi et symptomatique du reste, une serveuse raconte ses rêves de jeunesse de percer dans le monde Hollywoodien, le monde même du rêve. Aujourd'hui elle est serveuse dans un bar paumé de l'Arizona, sur-maquillée (encore un déguisement) et passe de flic en flic.
Teklow13
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le 15 mai 2012

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Teklow13

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