Elephant Man, c'est bien sûr l'histoire du pauvre John Merrick, défiguré par la maladie, torturé dans sa silhouette et son faciès. L'une des figures les plus immédiatement reconnaissables du cinéma, porté par la grâce d'un John Hurt impérial et tout simplement bouleversant tant dans ses regards que dans ses gestes.
Elephant Man, c'est la souffrance initiale du monstre : celui qu'on montre et que l'on jette en pâture, mais que le spectateur, dans un premier temps, ne verra que par les yeux et les réactions de la foule de la foire, coincé entre les soeurs siamoises et la femme à barbe.
Et si John Merrick est sauvé de ce cirque cruel, son être déformé continue d'être montré, cette fois-ci sous le vernis hypocrite de la science. Permettant à Frederick Treves d'accéder à l'honorabilité de son doctorat. Le malaise de l'amphithéâtre n'est finalement pas très différent de celui de la fête foraine dans le voyeurisme malsain qu'il illustre à l'image. De phénomène de foire, John Merrick devient phénomène de la bonne société.
Mais John Merrick, sous la caméra de David Lynch, une fois sa cagoule blanche abandonnée, devient le pôle magnétique de l'humanité. Car à son contact, de multiples réactions se font jour : les cris d'effroi, la curiosité imbécile, le regard rassuré quant à sa propre normalité, les larmes silencieuses, l'intérêt pécuniaire ou la méchanceté gratuite et la jouissance de martyriser les plus faibles.
Tandis que sous les déformations disgracieuses, l'homme-éléphant laisse apparaître une âme d'une pureté de cristal. Une âme qui semble incapable de ressentir la haine, la rancune ou l colère. L'image sans doute la plus parfaite de la résilience. Une sensibilité délicate. Un esprit gourmand d'érudition...
Qui n'est cependant pas dupe des simulacres d'humanité de sa nouvelle vie.
Car les humiliations en font encore partie, lors de visites nocturnes propices à de tristes représentations. Lors d'une traque, qui culminera dans un cri déchirant suscitant une compassion baignée de larmes. Un cri, longtemps tu, d'une humanité désespérée.
La séquence finale,elle, répond à celle qui ouvrait le film, comme un miroir : la musique inquiétante, les visions traumatiques animales laissent la place à l'apaisement, à une cathédrale Saint-Philip en carton qui pointe vers une nuit où brillent les étoiles. Après avoir réalisé son voeu, John Merrick peut enfin s'abandonner à rêver.
Eternellement.
Behind_the_Mask, qui trompe énormément.