Être une femme et pouvoir prétendre à un trône, ça pourrait ressembler aux aventures d'un alevin en quête de tranquillité dans l'aquarium de piranhas. Comme dans la série des Tudor, mais avec une tout autre classe, le film habite les palais étouffants de la Cour d'Angleterre, à l'époque élisabéthaine, cette fois, c'est-à-dire un peu après les magouilles politico-conjugales d'Henri VIII. Laissant derrière lui un pays divisé à tous les niveaux, il le livre à deux factions religieuses apparemment inconciliables, qu'il tenait jusque là en laisse à coups de décapitations enthousiastes. On sait que la jeune Elizabeth est appelée à devenir le monument national qu'on connaît désormais, monolithique et intouchable, mais on ignore exactement le prix qu'elle aura dû payer pour se hisser au-dessus de la mêlée et entrainer ses contemporains derrière elle. Comment une jeune fille un peu translucide est-elle devenue la Reine Vierge, capable de tenir en laisse une noblesse prête à mordre la main qui la nourrit en fomentant des complots d'une cruauté sans nom au petit déjeuner ? Le réalisateur se penche sur la question avec maestria, mais de façon néanmoins moins magistrale que dans l'Age d'or, tourné huit ans plus tard. On reconnaît déjà son art du cadrage, mais moins poussé que dans la suite. De même, Cate Blanchett, qui endosse avec son intensité habituelle les oripeaux pesants de la souveraine, prendra une épaisseur folle dans la décennie suivante, sans pour autant manquer de présence dans ce premier opus. Il n'y a qu'à la voir réclamer une volte d'un revers de bras plein d'autorité pour se dire que l'Angleterre a trouvé là son incarnation idéale. Ou rugir dans l'encadrement d'une porte que son pays n'aura qu'une seule maîtresse. L'émancipation d'Elizabeth a fourni à l'actrice un terrain de jeu à la hauteur de sa fringale d'actrice. Autant dire qu'on se régale déjà, en attendant la combustion explosive du deuxième acte, qui vaut d'être regardé dans la foulée. En fin de comptes, deux superbes moments de cinéma, qui comblent un peu le vide de connaissances historiques dont je pâtis sur les souverains européens non espagnols de cette période. Et ça donne envie de se renseigner plus avant...