/!\ Critique qui contient quelques spoilers pas toujours indiqués

Elle est un film pénible à regarder, sonnant faux dans sa volonté de susciter le malaise et de faire réagir. Plus gênants sont les 30 ans de retard sur certains sujets majeurs comme la culture du viol.

Elle est un film que je souhaitais voir depuis longtemps, et très grande fut ma déception à l'issue de son visionnage.

Je m'aperçois après coup que tout cela démarrait mal, avec cette présentation d'abord du bruit de puis l'image du viol dont est victime le personnage d'Isabelle Huppert. Tout semble faux dans cette scène : la situation, le décor, le "jeu" des personnages : serait-ce un téléfilm du dimanche soir sur M6 ?

Cette impression de "faux" ne s'est hélas pas dissipée tout le long du film, en dépit d'une approche initiale intéressante.

En effet, la réaction face à ce viol et plus globalement le personnage d'Isabelle Huppert se comprend suite à un trauma d'enfance progressivement (mais pas toujours subtilement) dévoilé. Cette capacité à oublier, s'effacer pour se reconstruire personnellement expliquer le "détachement" ou déni profond dont fait preuve Michèle vis-à-vis d'elle-même et dans son estime de soi.

Cependant le sujet est très mal traité : la faute à des scènes mal écrites ou mal jouées (la scène lunaire de la révélation au restaurant) et des personnages secondaires caricaturaux ou peu attachants.

Le réalisateur multiplie les fausses pistes pour entretenir le suspens mais celles-ci finissent par lasser : Michelle reçoit des textos menaçants, puis plus rien. Michelle reçoit une vidéo offensante à son bureau, mais non c'est une fausse piste. Il y a un intrusion "one shot" dans sa chambre avec délicat avis de passage sur la literie, puis plus rien.

Entre temps ? Il y a un repas de Noël comme si de rien n'était, des déjeuners au restaurant, une annonce de mariage, un achat d'appart...

Ce constant balancement entre le "très normal" et le "très peu normal" m'a perturbé et considérablement nuit à la crédibilité et l'intérêt de l'histoire.

Le plus embêtant que même si Isabelle Huppert joue relativement mal en feignant ce détachement extrême, elle reste le personnage le plus intéressant du film avec également le personnage de Laurent Lafitte qui transmet un certain charme vénéneux.

Les autres personnages sont caricaturaux et assez vite oubliables quant ils ne jouent pas mal (Charles Berling).

Ce résultat est-il dû au matériau d'origine, le livre de Philippe Djian que je n'ai pas lu ? Je n'en sais rien.

Mais comme Paul Verhoeven montre une certaine maîtrise technique et une assertivité pour dérouler son histoire, je guette le grand film (par ailleurs très bien noté sur SensCritique) récompensé (le César remporté par Isabelle Huppert est une énigme). En vain ...

Le coup de grace ? La dernière phrase prononcée par le personnage de Virginie Efira (qui n'hérite d'ailleurs pas d'un rôle facile) :

"mon mari était un homme torturé, merci de lui avoir apporté temporairement ce dont il avait besoin".

Ah bon ? Ok, donc tout s'explique : le viol est un exercice cathartique que l'on peut légitimer - cool.

Pour finir, je dirai que cette oeuvre m'a fait penser au mauvais Passion de de Palma : des réalisateurs sexagénaires ou septuagénaires qui sont restés bloqués dans les années 90 et la vague des thrillers porno-chics qui adoraient présenter des femmes à poil. Sauf que l'époque a changé, et qu'il serait temps de passer à autre chose ... Créer du malaise pour créer du malaise est un exercice vain, encore faut-il avoir une histoire cohérente à raconter et bien le faire.

TrueDetectThib
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le 13 janv. 2024

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TrueDetectThib

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