Il est fabuleux de constater à quel point Joachim Trier parvient à nous emmener aussi loin avec un film de moins d'1h30 et reposant essentiellement sur un seul acteur - je remonte le temps et découvre Oslo 31 août (merci France TV replay) après avoir été émerveillé au cinéma par Julie (en 12 chapitres).

Grâce à lui, le cinéma rappelle son essence de la plus belle des manières, à savoir divertir, faire réfléchir et réagir son public le temps d'une histoire.

Anders Danielsen Lie est assez fabuleux car, sans être grandement expressif (hormis deux - trois sourires, la réserve et la mélancolie imprègnent son jeu), il réussit à susciter notre intérêt et notre empathie, et nous nous retrouvons à le soutenir de loin, en lui espérant des jours meilleurs.

Mais le mal-être est là, trop profond, avec un sentiment d'avoir (déjà) raté sa vie à 34 ans, sans espoir ni courage de repartir de l'avant.

La multiplication des rencontres, fortuites ou planifiées - chapitres d'une vie qui peut-être annonceront le découpage de Julie (en 12 chapitres) sorti 10 ans après - sont donc autant de mains tendues éphémères, parfois maladroites, pouvant permettre à Anders de se reconnecter à lui, au monde et aux siens. La fin ouverte sera laissée à l'interprétation de chacun (

même si personnellement je ne suis pas très optimiste


).

La grande force de ce film magnifique repose selon moi dans les face-à-face d'Anders avec son entourage (meilleur ami, potentiel employeur, amie) qui sont autant de moments d'échanges privilégiés faisant d'autant plus ressortir les contradictions et peut-être le vide relatif de l'existence. Personnellement, j'ai trouvé extrêmement juste et touchante la scène dans le parc avec son meilleur ami Thomas.
J'ai également trouvé très forte la scène finale dans laquelle Anders revient dans la maison de ses parents, désertée, dans l'attente d'un prochain déménagement - ultime impossibilité à trouver un réconfort dont pourtant il aurait besoin.

Un mot sur l'écriture et les dialogues du film : Joachim Trier et son scénariste Eskil Vogt réussissent l'exploit de dire beaucoup avec peu de mots (un regard voilé, un mouvement, une parole suffisent) et apportent à Oslo, 31 août une grande richesse et une sensibilité, même lors de scènes parfois éculées, notamment dans la deuxième partie (la fête, la consommation de drogue, les rencontres d'une nuit).

Malgré sa brièveté, cette immersion de 24h dans la vie d'un homme m'aura touché et interpellé, donnant l'impression d'avoir fait un bout de chemin avec lui.

Enfin, si Joaquim Trier n'est pas un génie, il s'en rapproche grandement.

PS : me vient à l'esprit une comparaison étrange, comme un cheveu sur la soupe, entre Joachim Trier et Quentin Tarantino, deux réalisateurs reconnus même si pouvant s'adresser à des cibles différentes. Quand je revois l'accueil chaleureux réservé à Once Upon a time… in Hollywood (film que j’ai vraiment détesté), le gouffre entre les deux me semble abyssal. D'un côté, un réalisateur fait preuve d'intelligence et de sensibilité et propose des histoires fortes avec relativement peu de moyens. De l'autre un réalisateur autrefois talentueux qui aujourd'hui se regarde filmer les autres et n'a plus grand chose d’intéressant à raconter - tout en prenant 3 heures pour le faire ...

TrueDetectThib
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le 29 mars 2022

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TrueDetectThib

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