Il y a ce moment, aux trois quarts du film, où Michèle (Isabelle Huppert) semble vouloir tout envoyer balader. Comme si elle n'en pouvait plus de ses collègues, de sa mère, de son père, de son fils, de son amant, de ses amitiés et plus généralement de la fausseté des relations humaines.
Et comme on la comprend ! Car tous ces individus qui l'entourent sont particulièrement consternants : le fils aussi aveugle qu'irresponsable, le collègue de bureau soit disant bienveillant et en fait pervers, l'amant d'un égoïsme ahurissant, la belle fille insupportable et des voisins catho-fatiguants. Bref, tout un aréopage de tristes personnages. Du coup, on peut être, selon son humeur ou sa réceptivité, agacé par tant d'imbécilité (et d'incohérence) humaine ou bien amusé par le cynisme de ce sacré roublard de cinéaste qu'est Verhoeven. Personnellement, je n'ai pas accroché mais je veux bien comprendre qu'on puisse être séduit par la critique sociale acerbe que livre le cinéaste néerlandais.
Le personnage qui sort évidemment du lot, c'est Michèle. Un rôle à la mesure d'Isabelle Huppert, parfaite en femme moderne mais revenue de tout. En même tant, elle cumule quand même les handicaps d'avoir eu : un père multi criminel, une mère nymphomane à 80 piges, un fils à côté de la plaque, un mari qu’assume pas son divorce, un assistant manipulateur, une amie qu'elle trompe sans vergogne et un voisin obsédé sexuel... N'en jetez plus. Là, soit on accepte le romanesque du personnage jusque dans ces excès, soit, comme moi, on se dit que ça devait passer dans un roman (adaptation de Djian) mais qu'au cinéma c'est un peu gros. Mais à nouveau, chacun son seuil d'acceptation en matière de réalisme et de crédibilité.
Vous l'avez compris, ce ne sont pas les personnages qui m'ont plu dans ce film mais bien la mise en scène de Verhoeven qui rappelle dans sa fluidité, dans son économie de moyens certains films de Polanski voire sous certains aspects ceux d'Hanneke.
Et de fait, le film se laisse regarder bien que l'histoire soit, à mon avis, assez caduque. En effet, cela commence comme un thriller mais très vite, dès lors que l'on comprend que les enjeux porteront davantage sur les obsessions de Michèle que sur la question de savoir qui est vraiment l'agresseur (on le devine assez vite), alors les scènes portant sur les déboires de son fils (dont on se moque finalement) ou sur la culpabilité de ses collègues semblent complètement hors de propos. Le film aurait ainsi pu être allégé d'une bonne demi-heure en resserrant l'intrigue sur le fantasme grandissant de Michèle pour son agresseur. Il n'en aurait été que plus passionnant encore.


Personnages : 3/10
Interprétation : 6/10 (8/10 pour Huppert mais moins bien pour les autres avec certains dialogues qui sonnent faux)
Histoire : 7/10 (le film aurait gagné à s'éloigner du roman)
Mise en scène/réalisation : 8/10


7/10

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le 6 oct. 2016

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Theloma

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