Après avoir eu un peu de mal à accrocher, j'ai été peu à peu touchée et finalement conquise par ces trois soeurs aux personnalités très différentes et aux destins irrémédiablement liés. Les trois actrices sont excellentes, ainsi que leurs maris.
Mais le clou du spectacle, c'est évidemment James Mason, fabuleux en pervers narcissique de compétition. Attention, je parle de vrai pervers, expert en sadisme et tortures psychologiques, humiliation et manipulation. Il est tellement parfait que c'en est inquiétant et qu'on se demande où il va chercher tout ça...
L'emprise physique de Geoffrey Lee ne se fait pas par des coups, mais par des regards méprisants, des remarques humiliantes ou infantilisantes, du chantage (il feint des douleurs à la poitrine quand sa femme le quitte), des changements d'humeur permanents, l'isolement (il fait dormir sa femme seule au dernier étage de la maison). Mais sa cruauté mentale ne s'arrête pas à sa femme. Même ses enfants ne sont pas épargnés. Il y a une horrible scène où il prive son jeune fils de son chien adoré et le donne, juste pour le faire souffrir. Geoffrey Lee, qualifié d'homme "fatal" par une de ses belles-soeurs, se fait haïr par tout son entourage, femme et enfants compris, et construit méthodiquement un enfer familial sur lequel il règne. Au sein de cet enfer, une seule personne est épargnée et échappe à son mépris : sa fille aînée pour qui il éprouve un amour pour le moins ambigu et qui semble remplacer sa femme devenue alcoolique.
Aucun second degré dans ce portrait saisissant de justesse et de précision, grâce au jeu sobre et subtil de Mason. Il n'en fait jamais trop. Son "méchant" fait froid dans le dos parce qu'il est toujours crédible et ne verse jamais dans la caricature.
James Mason était un des plus grands acteurs du 20e siècle. Ce film en est la preuve éclatante.