La filmo' de Spielberg semble se diviser en deux catégories : les films un peu naïfs, tous publics avec plein d'effets spéciaux, et puis les films un peu chiants, sur des sujets sérieux, que Steven semble avoir conçu pour montrer qu'il sait réaliser des longs-métrages calibrés pour les Oscars ou récompenses en tous genres (Ryan, Munich, La Liste de Schindler). Et cet Empire du soleil fait donc évidemment partie de la deuxième catégorie.

Ça va donc parler de la guerre (et de la WW2, sa préférée visiblement), Spielby semble aimer ça, parce que ça lui permet sans doute d'éviter les critiques sur la mièvrerie de ses films, parce que ça pousse facilement aux larmes et ça permet de montrer la grandeur des sentiments humains "malgré toute l'horreur".

Jim (incarné par un surprenant et juvénile Christian Bale) est donc un jeune Anglais qui vit à Shanghai avec ses parents, quand soudain, la guerre survient, et il est séparé de ses parents. Ce pauvre petit colon va donc devoir survivre seul, dans sa grande maison située dans une riche banlieue de la ville alors que l'envahisseur nippon dépouille peu à peu les résidences anglo-saxonnes de leurs richesses et on va suivre toute l'histoire de la guerre sino-japonaise lors de la Seconde Guerre Mondiale de son point de vue à lui, celui d'un gamin de 11 ans totalement déconnecté de la réalité du conflit, mais aussi de la condition des habitants locaux. En soi, c'est intéressant, parce que ça change des films sur le conflit nippo-américain ou sur le point de vue européen du conflit, et le jeune Bale apporte une certaine légèreté à un sujet souvent abordé avec beaucoup de balourdise et d'intensité dramatique trop appuyée.

Le problème, c'est qu'il souffre du syndrome hollywoodien du "gamin-un-peu-trop-super" qu'on a voulu rendre attachant, du coup il est un peu impertinent et est doté d'un peu trop de talents au vu de son âge : il semble avoir appris le Japonais en trois ans de temps (mais pas les adultes qui l'entourent), est une véritable encyclopédie sur les avions (mais c’est sa passion, soit), sert de GPS aux Japonais visiblement pas capables de mieux se débrouiller avec une carte qu’un mioche (mais c’est parce qu’il connait bien Shanghai et ses alentours qu’il a parcouru avec son petit vélo) et n’a jamais peur de rien, même de la mort (curieux pour un gosse de riche élevé dans les faubourgs bourgeois, rappelons-le). C’est comme si Spielby hurlait tout au long de son film « ce gamin est trop cool et mature, aimez-le SVP ». Tellement qu’il n’a pas pensé à développer les autres personnages, aussi transparents qu’inintéressants du coup.

Malkovich a beau être sympa dans son rôle de brigand opportuniste sans-cœur-même-qu’il-est-capable-de-vendre-un-enfant-pour-de-l’argent, mais on sait dès sa rencontre avec Jim que leur relation de méfiance mutuelle va se muter en une amitié sincère et stéréotypée, et Malkovich semble d’ailleurs n’exister qu’au travers du gamin, comme tout dans ce film.

D’ailleurs, ce (trop) long-métrage a un gros problème de rythme, et les 4 années retracées semblent plus proches des quatre heures réelles que des deux heures trente affichées sur la jaquette du Blu-Ray. La faute à une intrigue trop décousue, qui se contente plus d’enchainer les courtes séquences « vis-ma-vie de prisonnier » que de montrer de véritables enjeux ou de chercher à surprendre le spectateur. C’est plat : c’est la guerre, c’est mal, y’a des morts et Jim va devoir apprendre à l’accepter, mais quand même les Japonais ne sont pas tous méchants (ouf, on échappe un tout petit peu au manichéisme typique des films de guerre Ricains) et ça manque de grands moments d’émotion, non forcés.

[SPOILER] D’ailleurs, à part un sympathique Japonais, aucun personnage aperçu plus de 30 secondes ne décède, la guerre c’est dur, mais pas trop. Je m’attendais aussi à un chouette hommage à la Grande Évasion, avec tout le camp qui s’entraide pour récolter les outils et le plan qui se met doucement en place, mais … non. Il faudra quand même attendre le secours des Américains et leurs salvatrices caisses de bouffe, sans doute pour que Spielberg bénéficie de subsides étatiques, pour que tout rentre dans l’ordre et que Jim puisse retrouver ses parents, rideau, happy end. [/SPOILER]

Mais comme je le disais plus haut, je m’étais procuré le film en Blu-Ray, et cette réédition est vraiment splendide, le film est superbe et ne fait pas du tout ses 30 ans d’un point de vue technique, les couleurs sont superbes et le soleil se noyant dans son sang qui se fige est merveilleusement bien rendu. Et puis, parce que le portrait global que je brosse n’est pas bien glorieux, reconnaissons aussi à Spielberg un certain talent de réalisation et quelque audace dans les plans employés : le film regorge de petites trouvailles esthétiques et, couplé à cette accumulation de petites scènes mignonnes/farfelues sur la guerre, je comprends tout à fait qu’on puisse lui trouver du charme. Mais comme avec tous les films de Spielberg portant sur la guerre, je me suis ennuyé, dommage.
Floax
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le 14 sept. 2014

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